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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juin 1855.

On a pu attendre jusqu’à l’heure la plus extrême un retour de fortune pacifique, une dernière pensée de conciliation de la part de la Russie. Tant que les conférences ouvertes à Vienne n’étaient point définitivement closes, peut-être avec un peu de bonne volonté pouvait-on se figurer que tout n’était pas dit encore. Aujourd’hui, après le protocole final signé il y a peu de jours, ces délibérations diplomatiques, qui ont duré trois mois, ne sont plus que de l’histoire. Elles n’ont servi qu’à mettre en pleine lumière deux choses également caractéristiques dans les circonstances actuelles : l’intention persévérante du cabinet de Saint-Pétersbourg de n’accéder qu’à des transactions précaires ou illusoires, et la volonté non moins arrêtée des puissances occidentales de ne point déposer les armes qu’elles n’aient rétabli l’ordre européen sur des bases fermes et durables. Par le fait même, c’est en Crimée désormais que s’agite la question, et elle n’est point ailleurs ; c’est au bout de l’épée de nos soldats qu’est la seule paix possible, et la campagne nouvelle qui vient de commencer sous de si heureux auspices aura atteint son but, si elle contraint la Russie à entrer sans réticences et sans subterfuges dans des négociations qui pourront cette fois devenir efficaces.

Certes il n’y eut jamais une année marchant au combat avec une ardeur plus entraînante et une plus mâle abnégation. L’obscur et intelligent héroïsme des soldats n’est surpassé que par la vigueur décisive des chefs et la virile simplicité de leurs actions. On l’a pu voir, il y a peu de temps, quand le général Canrobert a cru devoir céder le commandement au général Péllssier. L’ancien général en chef ne méconnaissait pas la nécessité d’entrer dans une voie nouvelle d’opérations ; il y voyait même un double motif : celui de pousser la guerre d’abord, et en outre celui de ne point laisser ses soldats attendre, sur place cet autre ennemi, — la maladie. Quand il a fallu agir, il a eu de la peine, dit-on, à obtenir un concours décidé des chefs