Ces attaques n’arrêteront pas sans doute le progrès de la vie religieuse en Allemagne. Pourquoi la bienfaisance, le désintéressement, le sacrifice de soi, la charité enfin, cette charité si magnifiquement célébrée par saint Paul, pourquoi toutes ces vertus ne brilleraient-elles pas sous des formes renouvelées et vivantes au sein d’une église qui considère saint Paul comme son premier apôtre ? Certes le détachement complet des intérêts d’ici-bas prêtera toujours aux héros du catholicisme une puissance qui ne se trouve pas ailleurs ; est-ce une raison pour ne pas aspirer à ces grandes choses même en dehors du célibat obligatoire et de la discipline des ordres ? Au lieu de m’écrier avec M. Gutzkow : Vous n’avez rien à faire, vous êtes condamnés à l’immobilité ! j’oserais dire à M. Wichern et à ses vaillans auxiliaires : Vous voulez réveiller la vie de l’âme, c’est une inspiration profondément humaine et nécessaire à ce siècle-ci. Ne vous laissez ébranler ni par les railleries des sceptiques, ni par le dédain superbe de vos rivaux. Dieu a permis qu’il y eût plus d’une forme religieuse ; il n’a pas créé tant de peuples différens, tant de races inégalement douées ; il n’a pas distribué parmi les hommes tant d’aptitudes, tant de facultés, tant d’inspirations si variées et si diversement fécondes, pour que l’unique et incommunicable vérité se produisit, à l’orient et à l’occident, au sud et au septentrion, sous une apparence partout semblable. Poursuivez donc votre tâche ; attachez-vous à ce qui unit les cœurs, non pas à ce qui les divise. Qu’il y ait dans toutes les églises chrétiennes une constante émulation de bonnes œuvres. Que l’orgueil n’interdise pas les emprunts d’une communion à l’autre, partout où ces emprunts sont possibles, et là où les routes sont différentes, que chacun, sans maudire son voisin, marche au but où toutes les dissidences s’évanouissent ! Je leur dirais encore : Vous êtes en Allemagne, vous voulez agir sur un pays où la philosophie a trop souvent oublié sa mission ; donnez un grand exemple, élevez-vous au-dessus des mesquines passions qui corrompent ailleurs le sentiment religieux, honorez la philosophie et le spiritualisme. Soit que vous ne craigniez pas, comme M. Wichern, d’imiter certaines institutions catholiques, soit que vous vouliez flétrir, comme l’auteur d’Eritis sicut Deus, les violens désordres causés par l’athéisme, tenez compte du génie allemand, respectez les droits de l’esprit, honorez la sainte liberté de l’âme, et ne confondez pas la philosophie digne de ce nom avec le délire d’une école. Si vous êtes inférieurs à une autre église de ce siècle pour l’efficacité de la bienfaisance pratique, par ce respect de la pensée vous lui serez un modèle.
SAINT-RENE TAILLANDIER.