Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la philosophie sociale, » et il y examine d’une part l’influence des progrès de la société, d’autre part l’influence du gouvernement sur la production et la distribution des richesses. Ces sujets étaient neufs, le dernier surtout. On sait que des économistes, même éminens, n’ont voulu voir dans l’action publique qu’un embarras et une charge ; M. Stuart Mill se sépare d’eux : au lieu de nier cette action, il l’admet comme légitime et en trace les limites.

Ici, l’auteur étudie d’abord les caractères généraux d’une société qui s’enrichit, la manière dont elle s’empare des forces naturelles, pour les asservir de plus en plus à ses besoins, l’influence des progrès de l’industrie sur la valeur, les prix et les salaires, par conséquent sur la condition des classes aisées ou laborieuses, de ces dernières surtout, jouets de tant d’utopies. De là il passe à l’influence du gouvernement sur la richesse d’un peuple, et se place entre les opinions extrêmes par une ferme déclaration. Il n’est, dit-il, ni de l’école qui repousse absolument l’initiative du pouvoir, ni de celle qui l’invoque à tout propos et en toute chose. Au milieu de ces données exclusives, il lui semble qu’il y a place pour un régime où l’action publique et l’action privée peuvent agir de concert sans se nuire, et au grand avantage de la communauté. C’est ce régime qu’il essaie de définir. Il fait alors la part, en ce qui touche le gouvernement, des fonctions nécessaires et des fonctions facultatives, distingue les cas où son intervention est de l’essence même des choses, et ceux où elle ne s’exerce qu’accidentellement et à titre d’exception. À la première des catégories appartient l’établissement de l’impôt, et l’auteur passe en revue les règles fondamentales qui s’y rattachent. Ses préférences sont pour l’impôt direct contre l’impôt indirect, et plus d’un préjugé local se mêle à l’appréciation qu’il en fait. Puis arrive le point délicat de cet examen : jusqu’où doit et peut s’étendre l’action de l’état ? Où est la limite précise de son intervention ? Dans quelles circonstances convient-il de laisser le champ libre à l’activité particulière ? dans quel cas est-il, au contraire, utile de la contenir, de la régler, de lui mettre un frein, de lui imprimer une direction ? Problèmes souvent posés, et qui, même après ce que M. Mill en dit, restent encore à éclaircir et à résoudre.

C’est dans cette partie du livre que se trouvent les propositions les plus malsonnantes et des témérités faites pour inspirer un regret mêlé d’étonnement. En Angleterre, sur un terrain qui lui est familier, l’économiste ne commet pas de ces méprises ; son coup d’oeil ne se trouble que lorsqu’il franchit le détroit et agite des questions ou juge des hommes qui nous appartiennent et sont nés près de nous. Non-seulement alors M. Mill range sur la même ligne, il invoque au même titre les noms les plus honorés et les noms les