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le plus ancien, il ne faut pas l’oublier, fut construit sous la république en l’honneur d’un Fabius, vainqueur des Allobroges et des Arvernes, peuples gaulois. Cet arc de triomphe a péri, mais on connaît le lieu où il était placé, et on est bien aise de savoir qu’il a existé. Ainsi les monumens que Rome a inventés pour honorer la gloire n’appartiennent pas uniquement à l’époque impériale, et, sous ces arcs d’honneur qui virent triompher le despotisme, avant lui la liberté victorieuse avait passé.

Ce qui précède doit avoir montré au lecteur ce qui le frapperait si vivement en présence des édifices de Rome : c’est que les Romains ont imprimé à tous les édifices le caractère de leur génie. Même en imitant, même en altérant l’architecture des Grecs, ils créèrent une architecture à leur usage. Ce fut d’abord en donnant aux temples, aux basiliques, aux cirques, aux théâtres, des dimensions jusqu’alors inconnues. Quoi qu’on en ait dit, en architecture, les proportions ne sont pas tout, les dimensions sont quelque chose. Que seraient les pyramides sans leur hauteur et leur masse ? L’église de Saint-Pierre et la cathédrale de Cologne doivent en partie leur effet à leur immensité. En outre, l’architecture romaine est grande parce qu’elle éveille en nous des idées de puissance, de solidité, de durée, parce qu’on sent que la main d’un grand peuple s’est posée là. D’ailleurs les Romains ont inventé une architecture. Ils ont inventé l’amphithéâtre, la colonne isolée, dont la pensée du moins leur appartient, les aqueducs à grandes lignes d’arcades, les aqueducs, où l’utile se combine avec la sublimité, enfin l’arc de triomphe, où la solidité semble prêter une éternelle durée aux magnificences de la gloire.

Quand je veux me donner un sentiment vif et profond de ce qui caractérise et distingue le génie des deux peuples dont je compare les monumens, je vais me promener au Forum romain un peu avant la nuit, et là j’évoque le souvenir de l’acropole d’Athènes. Je vois les lignes harmonieuses, les proportions parfaites du Parthénon, la statue qui reste seule, hélas ! au sommet de l’édifice dépouillé ; ma pensée va chercher ses sœurs et les arrache aux brumes de Londres pour les replacer au fronton du temple, sous le ciel incomparable et le soleil resplendissant de la Grèce. Je me place moi-même en esprit dans une position que je connais, de manière que le Parthénon me semble intact. Le temps a doré le marbre des murs et des colonnes, et des débris de la plus éclatante blancheur scintillent à mes pieds. Tout près de moi les caryatides de l’Erechtheum se dressent dans leur majestueuse élégance sous l’architrave qu’elles soutiennent sans effort, comme de belles jeunes filles portant sur leurs têtes des couronnes de fleurs. Les colonnes ioniques de ce petit temple me montrent leurs chapiteaux ornés de perles, et déroulent la courbe suave