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sinon par l’exécution, au moins par la reproduction des modèles ou l’imitation des formes de l’art.

Les statues purement grecques sont en très petit nombre. Ou elles ont été apportées de Grèce, ou elles ont eu pour auteurs des artistes grecs venus à Rome. En général, il est difficile de déterminer à laquelle de ces deux catégories elles appartiennent. Peu importe : si elles sont grecques, elles fournissent un type de beauté suprême qu’on peut opposer à la beauté inférieure des imitations romaines ; mais il faut être bien sûr qu’elles soient grecques. On n’en peut douter, quand le nom de l’auteur est grec. Ainsi nous lisons le nom d’Apollonius sur le torse d’Hercule, que Michel-Ange, presque aveugle de vieillesse, venait palper de ses mains tremblantes pour retrouver par le toucher la vision évanouie du beau. Le Laocoon, nous le savons par Pline, est l’œuvre de trois sculpteurs dont cet auteur nous a conservé les noms, et ces noms sont grecs. L’excès de l’expression douloureuse place ce groupe admirable près des limites où la décadence va commencer ; mais il est encore dans la sublime région de la beauté grecque.

La nature du marbre, grec ou italien, n’offre qu’une présomption, car on pouvait faire venir les marbres de Paros ou du Pentélique, et un artiste grec établi à Rome pouvait employer un marbre italien. On ne saurait donc trancher ainsi la question de l’origine grecque de l’Apollon du belvédère, comme on l’a fait quelquefois négativement d’après ce géologue qui, venant à Rome dans le siècle dernier, quand toute l’Italie retentissait encore de l’hymne de Winckelmann, refusa résolument d’admettre qu’il fût en présence du chef-d’œuvre de l’art grec, et, pressé de donner les motifs de ce refus, répondit tranquillement : Ce marbre n’est, pas grec, il vient de Carrare. La minéralogie n’a rien à voir ici ; quand on ne connaît pas le nom des sculpteurs, on ne peut se décider que par le style. Ainsi le cheval de bronze dont j’ai parlé est certainement grec, et probablement de Lysippe ; ainsi à l’école de Phidias appartient le fragment d’un bas-relief héroïque représentant un groupe de combattans, l’un à cheval et l’autre renversé, que j’ai vu pendant plusieurs années gisant parmi des débris au bas d’un mur dans le jardin inférieur de la villa Albani, et qui est peut-être le plus beau morceau de sculpture qui soit à Rome.

Il m’est impossible de ne pas voir une œuvre grecque ou au moins une admirable reproduction d’une sculpture grecque dans un bas-relief qui se trouve aussi dans le casino de la villa Albani. On y a vu la mère d’Amphion et Zéthus réconciliant ses deux fils ; mais je soutiens que le sujet représenté est la séparation d’Orphée et d’Eurydice. Orphée écarte un peu le voile d’Eurydice pour la voir encore. Eurydice, qui a la main posée sur l’épaule d’Orphée, attache sur lui un