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et une aristocratie sans génie politique. La guerre reprit donc sur tous les points ; mais à mesure que les tendances de la faction princière se dessinaient plus nettement, il s’opérait dans la nation une réaction de plus en plus sensible vers l’autorité monarchique. On commença à comprendre que mieux valait après tout subir un homme avec ses inconvéniens viagers qu’un parti avec ses traditions immortelles.

Incapable de se maintenir par ses seules forces dans les provinces de l’est et du midi, ne rencontrant plus que méfiance dans la magistrature et la bourgeoisie, que lassitude et désespoir dans les populations, Condé fut bientôt conduit à l’extrémité que n’avaient jamais manqué d’atteindre tous les conjurés, sous quelque drapeau qu’ils eussent combattu la royauté française. Il joignit les troupes espagnoles aux siennes, en attendant le jour prochain de devenir lui-même général espagnol et de combattre contre la France sous le drapeau qu’il avait si souvent fait reculer. On le vit attaquer d’abord pour son compte, et bientôt après reconquérir, pour celui de Philippe IV, les places que son héroïque épée avait données à sa patrie.

En abdiquant la nationalité française, dont il avait été la gloire, Condé ne fit d’ailleurs que ce qu’avait fait déjà, dans le cours de cette déplorable guerre, le maréchal de Turenne, traitant à Stenay avec l’archiduc Léopold, et combinant ses mouvemens avec les siens pour attaquer Paris ; il ne fut guère plus coupable que les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld appelant à Bordeaux les flottes espagnoles, que la duchesse de Longueville, toute fière de son traité particulier avec l’Espagne, et qui avait un agent du cabinet de l’Escurial officiellement accrédité près de sa personne. Le concours intéressé de l’Espagne promettant trésors et soldats, et n’en envoyant qu’autant qu’il fallait pour entretenir la guerre civile sans jamais la terminer, l’invasion d’une armée lorraine qui survivait en quelque sorte à la souveraineté du duc Charles, et que ce prince mettait tour à tour au service de toutes les causes, la désolation du royaume ouvert à l’étranger sur toutes ses frontières par un parti qui n’affichait plus d’autre prétention que cette de l’exploiter, telles furent les causes sous lesquelles ne tardèrent pas à succomber des hommes qui, après avoir eu l’insigne honneur de tracer par leur sang les frontières de la patrie, ne semblaient pas comprendre que cette unité-là lut sacrée, ni qu’elle obligeât ceux qui l’avaient fondée.

On avait entendu dès le début de la guerre civile Mathieu Molé combattre avec l’indignation de son âme française la proposition, alors accueillie par la majorité, d’admettre un gentilhomme espagnol en séance du parlement pour communiquer ses pleins pouvoirs. Plus tard, et dans la phase nouvelle de la guerre, le président