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qu’elle se rapprochait de Mazarin, elle entrait avec Gondy dans la négociation ouverte, sous les auspices de la palatine, par les représentans du parti des princes pour préparer leur mise en liberté. Mme de Chevreuse proposait sa fille, et le coadjuteur offrait sa maîtresse pour servir de lien entre la vieille et la nouvelle fronde. À la stipulation principale relative au mariage de Mlle de Chevreuse avec le prince de Conti, chacun ajoutait à tour de rôle, selon l’importance qu’il s’attribuait, la longue liste de ses exigences, depuis le gouvernement des provinces jusqu’aux pensions et aux grosses abbayes ; aucune de ces prétentions n’était ni contredite ni discutée, et l’humilité ne semblait pas moins exclue de ce monde que la pudeur. Anne de Gonzague, diplomate et tabellion du parti, voyait chaque jour de nouvelles signatures apposées aux actes dont elle était dépositaire.

La mode s’en mêla comme l’ambition ; chacun voulut être de la noble cabale qui stimulait par la perspective de tous les profits l’ardeur de toutes les vanités. L’entraînement universel finit par gagner jusqu’au timide Gaston d’Orléans lui-même, stimulé d’ailleurs par Mlle de Montpensier, sa fille, qui commençait à jeter dans la balance du parti le poids d’une personnalité originale et touchant à la grandeur autant qu’il est donné à la futilité d’en approcher. Monsieur avait approuvé sans hésiter l’incarcération des trois princes, car cette mesure avait pour conséquence de le laisser sans rival à la cour, et durant plusieurs mois il avait paru beaucoup moins préoccupé du soin de les rendre à la liberté que de celui de les maintenir sous sa propre garde. Il semblait donc moins en disposition que tout autre de concourir à l’œuvre élaborée par la princesse palatine au profit de la branche cadette de la maison royale ; mais chez Gaston la jalousie ne passait jamais qu’après la peur. Il se décida donc, quoique fort à contre-cœur, à être de l’avis de tout le monde et à se séparer de Mazarin, qui, dans cette circonstance décisive, avait eu à ses yeux l’irréparable tort de n’avoir point réussi. Tout tremblant et tout incertain, il signa le traité de la même façon, disait Mlle de Chevreuse, « qu’il aurait signé la cédule du sabbat, si elle lui avait été présentée par son bon ange. »

L’échec était donc complet. Une année ne s’était pas écoulée depuis le coup d’état de 1650, que Condé dans les fers était devenu, au détriment de Mazarin au pouvoir, le maître de la situation, comme on disait naguère dans une langue qui ne se parle plus. Alors se déroula un spectacle étrange, et j’éprouve quelque orgueil pour mon temps à dire que le régime parlementaire n’a jamais rien présenté d’analogue, même dans ses plus mauvais jours. On vit Mazarin entrer lui-même dans la négociation secrète ouverte par les agens