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pour Mlle de Montpensier la meilleure chance de trouver un mari, et pour Mme de Longueville le moyen le plus sûr pour vivre séparée du sien. Ce programme, écrit de la main même des intéressés, devint la base de toutes les négociations dont la main de la princesse palatine tenait les fils, et se colporta souvent dans les deux camps à la fois, sans que ces doubles manœuvres suscitassent d’ailleurs ni indignation ni étonnement.

Les magistrats, entrés dans la lutte à l’occasion de leurs prérogatives méconnues, n’avaient guère plus d’esprit politique que les seigneurs qui la continuèrent dans l’intérêt de leur fortune. L’horizon de la grand’chambre était encore plus rétréci que celui du Louvre, et des hommes d’état seraient plutôt sortis de la poussière du champ de bataille que de la poussière des greffes. Elevés de génération en génération dans le culte de la royauté, les parlementaires se sentaient mal à l’aise et comme empêtrés dans la faction. On pouvait dire de tous ce que le cardinal de Retz dit quelque part du président de Blancmenil, qui fut pourtant l’un des ennemis les plus ardens de Mazarin, — que lorsque cet homme-là allait le soir dans une réunion de frondeurs, il croyait aller au sabbat. Ces juristes dont Louis IX avait fait ses hommes liges, ces propriétaires de charges créées par la couronne ou acquises à deniers comptans sentaient instinctivement qu’ils n’étaient ni les délégués de la nation ni les censeurs légitimes du pouvoir. La contradiction qui existait entre leurs vieux devoirs et leurs récentes ambitions les écrasait de tout son poids ; aussi se montrèrent-ils inconséquens par conscience, au risque de perdre leur cause par leurs vertus plus certainement qu’ils ne l’auraient fait par leurs vices.

La vie de palais ne préparait les magistrats ni aux habitudes, ni aux spéculations de la vie politique. Voués à l’étude de la législation écrite et coutumière, les membres des cours souveraines demeuraient parfaitement étrangers à l’administration et aux finances, tout en prétendant au droit de les contrôler. Étaient-ils en bonne entente avec le pouvoir ? ils vérifiaient les édits bureaux, sans s’inquiéter de savoir si les dispositions en étaient contraires ou conformes aux notions d’une saine économie politique. Étaient-ils en lutte avec lui ? ils refusaient l’enregistrement, quels que fussent les besoins de l’état et la nature des dispositions proposées. Le contrôleur général d’Emery en faisait la pénible expérience, encore que plusieurs de ses édits, justifiés par la guerre, eussent du moins le mérite d’appeler enfin les capitalistes et les consommateurs à participer aux charges qui ne portaient d’ordinaire que sur les producteurs agricoles.

L’opposition du parlement au ministère du cardinal Mazarin commença par des griefs tellement personnels à la magistrature, qu’il