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redoutables problèmes politiques étaient posés chez nous pour la première fois, l’Angleterre en poursuivait la solution avec un fanatisme impitoyable, et les barricades se dressaient à Paris quand l’échafaud royal se préparait déjà dans Whitehall. Les dix années qui s’écoulèrent de 1640 a 1650 ont une physionomie qui semble les rattacher au XIXe siècle beaucoup plus qu’au XVIIe. Pendant que les idées républicaines prévalaient dans la Grande-Bretagne, la Catalogne revendiquait à main armée le droit de disposer d’elle-même ; le Portugal retrouvait pour un moment, sous l’inspiration de sa nationalité reconquise, les jours héroïques de son histoire ; la domination espagnole disparaissait à Naples sous l’éruption de la lave populaire, et la Sicile se soulevait de son côté pour reprendre sa liberté. Ces révolutions retentissent dans les écrits des chefs de la fronde comme un écho lointain, mais continu. L’imagination du cardinal de Retz s’allume à toutes ces flammes et s’exalte par tous ces exemples ; on retrouve dans Joly la trace de la passion et de l’ardeur puritaines, et les plus ardens parlementaires, malgré l’indignation qu’ils affectent chaque fois que l’on compare leur compagnie au parlement régicide, sont visiblement séduits par l’identité des dénominations, et ne voient dans le Mazarin qu’un autre Strafford à frapper. L’exemple de l’Angleterre agit simultanément sur les magistrats, qui se prennent de plus en plus pour des hommes politiques, sur le peuple, qui crie vive la république durant l’émeute[1], et sur la régente, pleinement convaincue que si la faction n’est écrasée, elle est en voie d’enfanter son Fairfax et son Cromwell.

En jugeant cette époque, on s’est, de nos jours, heurté à deux écueils. Frappés de l’importance de tant de problèmes soulevés, les uns ont résolument rattaché au mouvement de 1789 la tentative faite en 1789 pour conquérir des garanties politiques, et sont allés jusqu’à dire que, « sous peine de désavouer nos propres antécédens, nous sommes obligés de reconnaître que les hommes de la fronde combattirent pour les intérêts les plus saints qui puissent mettre les armes aux mains d’un peuple libre[2]. » Les autres, savans explorateurs des scandales d’une société où tous les vices étaient parés de toutes les grâces, n’ont voulu voir dans le mouvement qui, de 1648 à 1652, souleva Paris, la cour, l’année et toutes les compagnies souveraines, qu’un « chaos stérile de mutineries obstinées, de préventions aveugles, d’ambitions tracassières et de spéculations à courte vue, où tous les corps s’étaient abaissés, tous les hommes s’étaient amoindris temps honteux qui avaient été remplis par la désolation

  1. Mémoires du cardinal de Retz, journée du 13 mars 1649.
  2. M. le comte de Sainte-Aulaire, préface de l’Histoire de la Fronde.