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animal avec ses enveloppes. Le sang revient de ces dernières chargé de principes nourriciers et arrive dans la moitié droite du cœur. Là, le trou de botal, large ouverture ménagée entre les deux oreillettes, le canal artériel, gros tronc de communication qui aboutit à l’aorte, lui permettent de gagner celle-ci sans passer par les poumons.

Ces dispositions anatomiques, nécessitées par un mode d’existence essentiellement temporaire, disparaissent avec lui. À peine le jeune mammifère est-il sorti du sein qui l’a porté, que l’air entre dans sa poitrine, dilate ses poumons et y appelle le sang. Alors la cloison qui sépare les oreillettes se complète peu à peu et ferme le trou de botal ; le canal artériel s’oblitère et le plus souvent disparaît. Désormais, pour aller d’une moitié à l’autre du cœur, le sang est obligé de passer par les poumons, dont les vaisseaux ont pris leur volume définitif. Au même moment les artères, les veines, qui pendant si longtemps avaient joué le rôle de racines et nourri le fœtus, brusquement rompues à l’époque de la naissance, ont disparu ou se sont atrophiées. Le jeune animal a commencé à prendre des alimens qu’on appareil resté jusque-là inactif prépare et transmet aux organes. À une sorte de respiration branchiale accomplie au loin, à la circulation qu’elle nécessitait, ont succédé la respiration, la circulation pulmonaires ; l’alimentation, la digestion ont remplacé la nutrition par intermédiaire. Ainsi s’accomplit en quelques jours la dernière des grandes transformations organiques qu’ait à subir un mammifère, et celle-ci, faisant d’un être parasite un animal indépendant, mériterait à tous égards le titre de métamorphose.

Les phénomènes dont nous avons cherché à donner une idée s’enchevêtrent ou se succèdent, quelles que soient leur complication et leur rapidité, dans un ordre invariable pour chaque espèce de mammifères, toutes les fois que le développement s’accomplit régulièrement ; mais des causes perturbatrices, les unes soupçonnées, les autres entièrement inconnues, interviennent parfois. Les organes peuvent être troublés dans leurs transformations, sans que le tourbillon vital s’arrête, sans que le nouvel être cesse de croître, et ces organes s’éloignent alors plus ou moins du type normal. Ainsi se forment les monstruosités. On voit que l’origine de ces anomalies remonte nécessairement à une époque assez reculée de la vie embryonnaire, et que, toutes choses égales, la monstruosité sera d’autant plus grave que l’embryon était moins avancé au moment de la perturbation. M. I. Geoffroy a donc eu raison de poser en principe que toute monstruosité chez les mammifères était congéniale, c’est-à-dire antérieure à la naissance. En d’autres termes, toute monstruosité résulte d’un phénomène accidentel, mais essentiellement embryogénique.