audience où l’envoyé d’Espartero présenterait ses conditions écrites. On ne comprit pas plus l’exposé écrit que l’exposé verbal, et la reine finit par accepter, sans trop savoir ce qu’elle acceptait. L’attitude de l’envoyé d’Espartero auprès de la junte de Madrid ne fut pas moins singulière ; elle était pleine d’ambiguïté et d’impatience ; elle semblait laisser entendre ce que les paroles n’exprimaient pas, c’est-à-dire que la junte ne faisait point assez sans doute pour l’accomplissement de la volonté nationale. Toute cette diplomatie irrita fort les hommes modérés de la junte, d’autant plus qu’elle était l’espoir et l’encouragement des passions révolutionnaires qu’ils s’efforçaient de contenir. Le général San-Miguel ne fut pas le dernier à s’expliquer avec vivacité ; il écrivait lettre sur lettre à O’Donnell pour le presser d’accourir, et il n’eût point même reculé devant la tâche de faire un ministère sans Espartero, au besoin contre lui.
Le duc de la Victoire avait évidemment fait un faux calcul. Il trouvait une résistance à laquelle il ne s’attendait point ; il ne voyait pas que bien des souvenirs s’élevaient comme une barrière entre lui et une foule d’hommes politiques de tous les partis. D’un autre côté, son influence était singulièrement restreinte dans l’armée. En ce moment même il pouvait s’en assurer : il faisait inviter un général qui s’était prononcé dans le nord de l’Espagne à venir avec ses soldats se placer sous ses ordres, le général répondit très respectueusement par un refus, de façon que quand le duc de la Victoire se décidait enfin à se rendre à Madrid dans les derniers jours de juillet, il y arrivait avec l’apparence d’un immense pouvoir, d’une dictature véritable, et il avait effectivement cette dictature, mais sous la condition de la partager avec des hommes qui étaient loin de vouloir se dévouer à ses ambitions. Il était surtout obligé de compter avec l’élément politique et militaire qui avait fait le mouvement du 28 juin. Au fond, il n’y avait eu certainement aucune intelligence préalable entre le duc de la Victoire et les généraux de Vicalvaro. S’ils se trouvaient subitement rapprochés et contraints de s’entendre, c’était par le hasard des circonstances. Cela est si vrai, que peu de jours avant le 28 juin, un ami d’Espartero ayant abordé le général Dulce pour le pressentir sur ce qui se tramait, et lui ayant demandé si le duc de la Victoire pouvait compter sur son dévouement, Dulce se montra fort blessé, et répondit qu’il n’appartenait qu’à son pays, qu’il n’était l’homme de qui que ce soit. Le questionneur insista pour savoir sur quels élémens on comptait, exprimant le désir d’être informé d’avance. Dulce finit par ne rien répondre. Dans l’intervalle du 18 juillet au 1er août, la même personne écrivait encore au général Dulce, ce qui ressemblait fort à une tentative pour le détacher d’O’Donnell. Dulce ne fit aucune réponse, et comme on lui demandait peu après à Madrid