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Murillo, et alors commençait cette opposition, chaque jour plus implacable, qui venait se dénouer au Camp des Gardes, où, à côté d’O’Donnell et de Dulce se trouvaient réunis les généraux Ros de Olano, Messina et Echague.

La première pensée du général O’Doimell et de ses compagnons n’allait point au-delà du renversement du ministère San-Luis et du maintien de la constitution de 1845. C’est le sens d’une lettre collective qu’ils faisaient parvenir d’Alcala de Henarès à la reine le 28 juin. Ils demandaient à Isabelle, comme sujets fidèles et dévoués à son trône, de renvoyer son cabinet, de rouvrir les cortès et de suspendre l’emprunt forcé qui avait été décrété dictatorialement. Le général O’Donnell croyait même encore atteindre son but par le simple effet de cette manifestation, sans lutte ; sans combat, en réduisant le gouvernement à mourir d’impuissance en présence de l’armée ébranlée et de la population civile excitée à se prononcer. C’est dans ces conditions que la reine Isabelle, qui était à la Granja, rentrait à Madrid le soir du 28 juin, et que le ministère se trouvait subitement placé entre une retraite immédiate qui ressemblait à une capitulation du pouvoir et la nécessité d’une répression qui pouvait avoir des conséquences incalculables. La nécessité de la répression l’emporta après une journée passée en préparatifs et en négociations secrètes. La reine répugnait profondément à un conflit qui déchirait en deux l’armée espagnole. Elle voulait monter à cheval et aller elle-même à la tête des troupes fidèles au-devant des insurgés. Si ce mouvement à la Marie-Thérèse eût été suivi, que serait-il arrivé ? Le ministère serait resté sans doute sur le champ de bataille ; mais dans un pays sensible à toutes les scènes émouvantes et chevaleresques, peut-être les esprits eussent-ils reçu une commotion salutaire qui aurait changé la situation politique de l’Espagne. On arrêta l’élan spontané de la reine, et la lutte acceptée par tous s’engageait le 30 juin près de Madrid, à Vicalvaro.

Première étincelle de guerre civile ! signal nouveau de révolution jeté à un pays lassé de révolutions ! c’était une question décisive de savoir si ces soldats, confondus la veille sous le même drapeau et partagés le lendemain en deux camps ennemis, se serviraient de leurs armes les uns contre les autres. L’insurrection disposait d’une cavalerie assez nombreuse qui était sa seule force. Le gouvernement marchait au combat avec des moyens d’action diminués, ne sachant point au juste le degré de fidélité des troupes qui lui restaient en infanterie et en artillerie. Par le fait, les généraux soulevés se flattaient encore d’entraîner au dernier moment un brigadier de la garnison sur lequel ils comptaient, et dont la défection sur le terrain pouvait changer la face des choses. La loi du devoir fut plus forte que les connivences