même des plus terribles, même de celles qui réduisent en poussière les institutions. Cette œuvre de destruction accomplie, il n’y avait plus que la force pour faire sortir une situation nouvelle de la poussière des pouvoirs et des partis, en transportant le drame sur un autre terrain, — et, par une ironie singulière, c’est la puissance de la discipline militaire qui venait en aide à une révolution.
Le mouvement du 28 juin 1854, indépendamment de ses causes politiques, a cela de curieux en effet qu’il est l’œuvre de la discipline. C’est le directeur de la cavalerie de l’armée, le général Dulce, investi du droit régulier de commander à ses soldats, qui les réunit un matin au Camp des Gardes, près de Madrid, les met aux ordres de l’insurrection, et les soldats obéissent. Le gouvernement était prévenu de la défection du général Dulce ; il crut à ses protestations de fidélité. Dans la nuit même du 27 au 28 juin, le ministre de la guerre, le général Blaser, fut averti de l’agitation de la garnison ; il répondit qu’il savait ce que c’était, qu’il s’agissait tout simplement d’une revue. Quelques heures après, la revue était un pronunciamiento de plus dans l’histoire de l’Espagne, — pronunciamiento auquel le général Dulce donnait sa force en lui amenant presque toute la cavalerie de Madrid, et dont le principal chef était le général don Leopoldo O’Donnell, comte de Lucena.
O’Donnell n’était nullement connu jusque-là pour la vivacité de ses opinions libérales. Homme de passions ardentes sous un extérieur froid, mélange singulier de l’irlandais et de l’espagnol, il était plutôt soupçonné de nourrir de vagues penchans absolutistes, ou du moins des sentimens conservateurs très prononcés. Parvenu jeune aux premiers grades de l’armée, — il est né en 1809, — lieutenant-général à trente ans, illustré dans la dernière guerre par des actions d’éclat, dont l’une lui a valu son titre de comte, O’Donnell, à la tête de l’armée du centre, avait été en 1840 l’appui de la reine Marie-Christine dans sa lutte avec le duc de la Victoire. Il avait à cette époque partagé la fortune de la régente et du parti modéré dans l’émigration, avait pris les armes contre Espartero au mois d’octobre 1841, en plantant le drapeau de l’insurrection sur la citadelle de Pampelune, tandis que l’infortuné Diego Léon et Concha tentaient d’enlever la reine Isabelle à Madrid, — et il n’était rentré en Espagne en 1843 que pour aller comme capitaine-général à Cuba, où il passait cinq ans loin des agitations parlementaires. Nommé directeur-général de l’infanterie en 1849 par Narvaez, il était éloigné de ce poste en 1851 dans les premiers temps du ministère de M. Bravo