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M. de Glinka, son représentant près la diète de Francfort. La Russie maintiendra les concessions qu’elle a déjà faites sur les deux premiers points, quel que soit le résultat des conférences ; mais elle ne les maintiendra qu’à la condition de la neutralité de l’Allemagne. Il se présente ici seulement une observation très simple : si les arrangemens pris à Vienne au sujet des principautés et de la navigation du Danube sont une garantie de civilisation à laquelle la Russie est heureuse de s’associer, comment se fait-il qu’il ait fallu une guerre pour l’amener à reconnaître ces principes ? Si ces concessions sont un don gratuit de sa politique, comment menace-t-elle de les retirer, si les puissances allemandes sortaient de leur neutralité ? M. de Nesselrode a été du reste assez habile pour ne point réclamer une réponse de l’Allemagne. Que faut-il en effet attendre aujourd’hui de l’Allemagne ? Quelle va être particulièrement l’attitude de l’Autriche après la clôture des conférences auxquelles elle a pris une si grande part ? Des propositions, on le sait, ont été faites par le gouvernement de l’empereur François-Joseph à l’Angleterre et à la France : elles n’ont pu être acceptées, et le cabinet de Vienne lui-même ne pouvait en garantir l’efficacité, Or l’insuccès de cette dernière tentative de conciliation peut-il, encore une fois, déplacer la question, modifier la politique de l’Autriche, et l’affranchir des devoirs qu’elle s’est librement imposés dans l’intérêt de sa sécurité et dans l’intérêt de l’Europe ? Au premier abord, rien n’est plus simple certainement que la position de l’Autriche. Le cabinet de Vienne s’est allié aux puissances occidentales pour un objet précis, déterminé ; il s’est engagé à proposer à l’adoption de la Russie des conditions de paix et à prendre les moyens nécessaires pour faire prévaloir ces conditions dans le cas où le tsar n’y souscrirait pas. Les négociations ont échoué définitivement, elles ont été infructueuses par le fait de la Russie : le rôle de l’Autriche semblerait donc tout naturellement tracé. Il faut ajouter que M. de Buol, dans les négociations qui viennent d’avoir lieu, n’a décliné aucune conséquence des engagemens de l’Autriche ; il s’est maintenu fermement sur le terrain de l’alliance du 2 décembre ; il a été le premier à constater que les propositions russes ne répondaient nullement aux nécessités d’une paix durable. Depuis encore, dans ses communications avec les états germaniques, il a soutenu les mêmes principes. Malheureusement il y a toujours un peu loin des paroles à la réalité, et c’est ainsi que l’Autriche reste une alliée fidèle, qui ne méconnaît point ses obligations, mais qui se montre peu pressée d’agir et semble renouveler l’exemple qu’elle donna l’été dernier, en restant immobile quand on la croyait prête à une intervention décisive. Cette politique n’est point assurément sans inconvéniens : elle ne peut satisfaire ni la Russie, dont le cabinet de Vienne s’est fait un irréconciliable ennemi, ni les puissances occidentales, qui ont quelque droit d’attendre une résolution plus vigoureuse ; elle n’est même pas sans péril, car, en se prolongeant, elle peut rendre plus sensible ce qu’il y a d’anormal dans l’occupation des principautés et faire surgir des complications inattendues. Il ne faut point méconnaître sans doute les difficultés au milieu desquelles se trouve l’Autriche : elle a devant elle la Russie sur la frontière de la Galicie, derrière elle l’Allemagne incertaine et travaillée par des influences contraires. C’est assez pour motiver de la prudence, ce n’est