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borner aux classes, mais s’étendre encore aux subdivisions des classes. Nous avons dit que la proportion entre l’accroissement et la vie normale est exprimée par 5 pour le lion, le chien et le chat, qui appartiennent à l’ordre des carnivores, pour le cheval, qui est le type de l’ordre des solipèdes, pour le bœuf et le chameau, qui représentent deux familles de l’ordre des ruminans ; mais deux espèces de rongeurs, le lapin et le cochon d’Inde, nous montrent un rapport notablement différent de celui-là. M. Flourens a vu les épiphyses se souder dans le lapin à un an et dans le cochon d’Inde à sept mois. Si la règle précédente s’appliquait à ces deux animaux, la vie normale serait de 5 ans pour le premier et d’un peu plus de 3 pour le second. On sait pourtant, et M. Flourens le dit, que le lapin vit 8 ans, et le cochon d’Inde de 6 à 7. Le rapport tel n’est donc plus 5 ; pour le lapin, nous trouvons 8, et presque 10 pour le cochon d’Inde, en sorte que s’il était permis de tirer une conséquence d’un aussi petit nombre d’observations, il faudrait, pour obtenir la durée de vie d’un mammifère, connaissant seulement l’époque à laquelle ses épiphyses se soudent aux os, multiplier le temps de son accroissement par le nombre 5, quand il s’agirait d’un solipède, d’un ruminant ou d’un carnivore, et par les nombres 8 ou 10, quand on aurait affaire à un rongeur. Or, dans la classification naturelle que M. Milne Edwards a basée sur l’étude des caractères génériques, les ruminans et les solipèdes d’une part, et les carnivores de l’autre, appartiennes à des types différens de celui auquel les rongeurs se rattachent. Les autres dérivés de ce dernier type sont les insectivores, les chauves-souris, les singes et l’homme. Conséquemment les rongeurs, tout en restant inférieurs au chat, au bœuf et au cheval, font cependant partie d’un groupe d’animaux qui, considéré dans son ensemble, est de beaucoup plus élevé en organisation que les groupes où sont contenus le cheval, le bœuf et le chat. Il semblerait donc que, dans la classe des mammifères, la durée normale de la vie tendrait à s’allonger par rapport à la durée de l’accroissement à mesure que le type génésique s’élèverait davantage. Si cette tendance est réelle, on peut prévoir que le chiffre exprimant cette proportion chez les monotrèmes et les marsupiaux, qui sont les derniers des mammifères, serait plus faible que 5, et au contraire, chez les singes, que leur organisation place si près de l’homme, il est vraisemblable que ce chiffre serait supérieur à 5 et peut-être à celui que nous offrent les rongeurs. Pourtant il faudrait savoir si l’influence du caractère génésique et du perfectionnement organique n’est pas combattue souvent par l’influence de quelque autre cause dont on n’a pas étudié les effets à ce point de vue, comme la taille, le régime ou la manière de vivre. Il y a là tout un ensemble de questions nouvelles que le temps seul pourra résoudre, car elles exigent beaucoup d’observations directes ; mais nous sommes en droit d’assurer dès à présent que le rapport de l’accroissement à l’étendue de la vie n’est pas uniforme dans la classe des mammifères, puisque dans le petit nombre de cas connus nous le voyons varier du simple au double.

Maintenant quel sera le chiffre exprimant ce rapport dans le genre humain ? Sera-t-il différent île celui des ruminans et des carnivores, et supérieur à celui des rongeurs ? Par analogie, on devrait le croire au moins égal à ce dernier, puisque l’homme est le plus parfait des êtres organisés. Hufeland