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sept survivans à 80 ans, deux seulement à 85, et un à 89, Si faibles que puissent paraître ces chiffres, ils n’indiquant probablement pas une mortalité trop rapide, car au lieu de 640 nonagénaires que compte le même auteur sur un million de naissances, M. Mathieu n’en admet plus que 491, parmi lesquels neuf seulement sont âgés de 97 ans, et quatre ont atteint leur quatre-vingt-dix-neuvième année[1]. Quant aux centenaires, il y en aurait deux pour dix mille habitans, selon Duvillard, et un seul d’après Demonferrand (Milne en compte neuf à Carlisle). Dans les tables récentes, on a cru pouvoir sans inconvénient n’en tenir aucun compte. C’est à peine si dans Paris il en meurt un chaque année.

M. Benoiston de Châteauneuf a calculé le cours de la vie pour une période de quatorze année, d’après quinze millions d’individus décédés à tout âge dans cette partie du continent européen qui s’étend des bords de la Méditerranée à ceux de la Mer-Glaciale : il a vu qu’un peu plus de 14 individus sur 100 sont parvenus à 30 ans. Dans l’intervalle qui sépare cet âge de 60 ans, la perte a été d’un peu moins de la moitié ; à 70 ans, les survivans de 30 ans se sont trouvés réduits au tiers, et à 80 au dizième ; à 90, il n’en existait plus qu’un soixante-treizième.

Le peu que nous venons de dire montre déjà combien est grande la différence entre le nombre des naissances et celui des nonagénaires, des octogénaires et même des septuagénaires. Cette inégalité est rendue plus frappante encore peut-être par le chiffre même qui exprime la durée moyenne de la vie. En additionnant ensemble les années qu’ont vécues sur les divers points de notre pays un grand nombre de personnes mortes à tout âge, depuis l’enfant qui n’a respiré qu’un jour jusqu’au vieillard qui s’est éteint dans la décrépitude, et en répartissant également sur chacune d’elles la somme ainsi obtenue, on arrive approximativement à 39 ans et 8 mois. Ainsi la vie moyenne en France est actuellement très peu au-dessous de deux cinquièmes de siècle, et ce chiffre, tout faible qu’il est, est notablement supérieur à tous ceux qu’on avait obtenus jusqu’ici. Il y a vingt ans, M. Bienaymé n’était pas très loin de ce résultat, lorsqu’il portait la vie moyenne au-delà de 36 ans ; mais à mesure que nous remontons davantage vers le commencement du siècle, nous trouvons cette durée de plus en plus courte. Demonferrand ne la fixe qu’à 33 ans et 8 mois, et elle était seulement, en 1817, de 31 ans et 3 mois. D’après Duvillard, elle descendait à 28 ans et 9 mois avant 1789. Les recherches de M. Villermé tendent à prouver que, dans la ville de Paris, elle a été de 32 ans au XVIIIe siècle, de 26 au XVIIe, et de 17 seulement au XIVe[2].

  1. En nous basant sur les calculs de Demonferrand, nous trouvons que les septuagénaires (de 70 à 80 ans exclusivement) forment encore près d’un trente-troisième de la population française, et que les octogénaires [de 80 à 90 ans) n’en sont plus que la cent-soixantième partie environ. Sur les 33 millions d’habitans qui peuplaient la France à l’époque où Demonferrand a dressé ses tables, les nonagénaires (de 90 à 100 ans) étaient au nombre de 17,559, et ne constituaient par conséquent que la dix-neuf-centième partie de la population totale. Ces derniers résultats s’éloignent peu de ceux qu’a adoptés M. Mathieu. Suivant ce statisticien, les octogénaires formeraient le cent-soixante-quatorzième, et les nonagénaires la dix-sept-cent-quarantième de la repopulation.
  2. On a remarqué à Genève une progression analogue. Au XVIe siècle, la durée moyenne de la vie y était de 18 ans et 5 mois, au XVIIe de 23 ans et 4 mois ; puis elle s’est beaucoup accrue pendant la première moitié du XVIIIe siècle, où elle a atteint 32 ans et 8 mois, et dans la seconde moitié elle est parvenue à 33 ans et 7 mois. Enfin de 1815 à 1826 elle était dans la même ville de 38 mis et 10 mois. Schubler a aussi trouvé des proportions semblables pour Stuttgart. En comparant deux époques, l’une qui s’étend de 1762 à 1792, l’autre de 1812 à 1827, il a vu qu’elles donnent pour les sexagénaires le rapport 22 à 24, pour les septuagénaires 13 à 14, pour les octogénaires 10 à 11, et pour les nonagénaires 8 à 11.