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amiraux et ambassadeurs, s’arrêtent au Pirée sans même visiter Athènes. Le baron de Saint-Blancard, envoyé en 1537 avec une escadre française, relâche au port Lion (le Pirée devait ce nom au lion qui fut plus tard enlevé par les Vénitiens). Du Pirée à Athènes, il y a une heure de marche ; ni Saint-Blancard, ni Jehan de Vega, historiographe de l’expédition, ne paraissent avoir songé à cette promenade. Jean Chesneau, secrétaire de M. d’Aramont, ambassadeur à Constantinople, passe auprès d’Athènes avec le même mépris. Jean de Pinon, Guillaume Postel, qui ont laissé des relations de leurs courses dans le Levant, la nomment à peine pour mémoire. Je ne dis rien, d’André Thevet : ses contemporains le traitaient de grand menteur ; il parle en effet d’Athènes de manière à prouver qu’il n’y est jamais allé. Je passe également sous silence tous les vains travaux publiés sur cette ville infortunée pendant le XVIe siècle, pendant le siècle de Léon X et de François Ier !

Aux approches du XVIIe siècle, un mouvement nouveau se produit. D’une part, les monumens de la Grèce commencent à rire convoités ; de l’autre, ils sont étudiés avec plus d’attention par les voyageurs. Richelieu donne l’exemple d’une noble passion pour les sculptures antiques. Sans se laisser effrayer par le souvenir d’André del Sarto et de François Ier, il prodigue l’or en Italie, afin de décorer son château, que le père Babin comparait au Parthénon. Les Anglais allèrent même jusqu’en Grèce, où le comte d’Arundel, Buckingham, Charles Ier, entretenaient des agens chargés de former leurs collections. Le comte d’Arundel, si l’on en croit Peacham, ne projetait rien moins que de transporter l’ancienne Grèce en Angleterre, de sorte que pour rendre le transport plus facile on sciait en deux les statues. C’est dans cet état que notre ambassadeur à Constantinople, M. de La Haye, trouva l’Apollon colossal de Délos : lord Elgin avait de dignes prédécesseurs ! Mais, comme le dit avec raison M. de Laborde, il faut détourner les yeux de cet acte de vandalisme, et ne se rappeler que les services rendus à la science par le comte d’Arundel. Sa galerie était ouverte à tout le monde ; les artistes y travaillaient librement ; ils apprenaient à aimer l’art antique, sinon à le comprendre.

En même temps Athènes attirait l’attention d’esprits curieux et parfois érudits. Les capucins français, établis autour du charmant monument de Lysicrate, que l’on appelait alors la lanterne de Démosthènes, se mirent à feuilleter Pausanias et les compilations de Meursius. Ils dressaient des plans, dessinaient des vues cavalières, inspiraient aux Grecs et aux Turcs plus de respect pour les ruines au milieu desquelles ils vivaient. Bientôt le marquis de Nointel arriva avec ses peintres Rombaut Faydherbde et Jacques Carrey. Les dessins de Carrey sont aujourd’hui à la Bibliothèque impériale ; nous ne possédons aucun document sur le Parthénon qui soit aussi précieux.