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bon l’île de Zerbi ? aller en Chine ? descendre dans les flammes d’un volcan ? Ordonnez, disposez de votre esclave, et ne craignez point que je recule devant les obstacles ou les dangers.

Ce langage de corsaire parut l’intéresser.

— Non, dit-elle en souriant, vous ne descendrez point dans les flammes d’un volcan, à moins que je n’y jette mon mouchoir. Nous verrons bien si vous saurez deviner et prévenir mes désirs. Ne vous dissimulez pas que d’autres m’ont exprimé leur amour en termes plus choisis que vous ne l’avez fait ; mais je crois que les soins attentifs me toucheront davantage, et je vous en tiendrai compte. Parmi les témoignages d’une passion véritable, il en est un seulement que je redoute et qui me fait horreur, la jalousie. On en cite des exemples terribles. Si vous voulez m’inspirer d’autres sentimens que l’épouvante, ne soyez point jaloux, seigneur Cornelio ; à cette condition je pourrai vous aimer un jour.

— J’y appliquerai mes efforts, répondis-je ; mais si votre intention n’est pas de faire de moi un patito, il faut m’accorder une bonne place dans votre cœur, afin que le mien demeure fermé à la jalousie. Le préservatif de ce vilain mal est la confiance. Promettez-moi d’être franche et loyale.

— C’est convenu, dit Aurélia d’un ton sérieux ; point de mensonge entre nous. Quant à la préférence que vous souhaitez, en voici pour commencer un petit signe. Si quelqu’un me demandait cette fleur, je la refuserais : recevez-la comme un gage d’amitié ; mais ne la montrez point, car on me l’a vue à la main.

Je pressai la fleur de magnolia sur mes lèvres, et je la serrai précieusement dans ma poche.

— Çà, reprit la jeune fille en badinant, qu’allez-vous entreprendre à mon service, seigneur chevalier ?

— Tout ce qu’il vous plaira, répondis-je. Mon ancêtre le Normand et son compagnon Robert Guiscard ont malheureusement chassé de ce pays le dernier des Sarrasins, sans quoi je vous proposerais de le provoquer en combat singulier.

Don Massimo et sa femme interrompirent notre entretien ; mais j’en avais entendu assez pour rentrer chez moi brûlant de la première fièvre d’amour et d’espérance. Dès le lendemain, Aurélia exprima devant moi le désir de manger des figues d’Inde. Ce fruit, si abondant à la fin de l’été, ne devait arriver que dans un mois sur les marchés de Palerme. Je partis pour Noto, où le cactus est plus précoce que dans cette partie de l’île. Une douzaine de figues d’Inde que je rapportai en triomphe me valut des sourires que je n’aurais pas cédés pour un trésor. Je trouvai beaucoup d’autres occasions de rendre quelques services à Aurélia ; mais lorsque je la pressais de