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LA BASTARDA


SCÈNES DE LA VIE SICILIENNE.

I.

Un matin, pendant mon séjour à Palerme, l’affiche du théâtre Ferdinando annonça la première représentation dans cette ville de Vito Bergamasco, drame pathétique tiré d’une nouvelle du célèbre Onorato di Balzac, le plus accrédité de tous les romanciers français ! Auquel de ses nombreux romans était emprunté ce personnage de Vito de Bergame ? C’est, je l’avoue, ce que je ne sus point deviner. Je dînais ce jour-là chez le prince P… avec trois autres personnes. En sortant de table, nous prenions le café dans le jardin, et je cherchais un prétexte de m’esquiver pour aller au théâtre Ferdinando, lorsque notre amphitryon nous proposa de nous y conduire. La compagnie comique se composait des plus médiocres sujets de la troupe des Fiorentini de Naples, et il se trouva que la pièce, du genre larmoyant, était mortellement ennuyeuse, ce dont le romancier français demeure fort innocent. À la fin du second acte, le prince, voyant que je m’endormais, vint me dire à l’oreille :

— Ceci tourne mal. Prenez votre chapeau et allez vous divertir ailleurs.

— Je n’osais vous demander ma liberté, répondis-je, mais à cette heure que pourrais-je en faire ?

— À Palerme, reprit le prince, l’heure est toujours favorable à qui cherche aventure. Si vous êtes curieux des mœurs de notre pays, je vous avertis qu’on n’y songe qu’à l’amour et au plaisir. Occupez-vous des femmes, fréquentez les jeunes gens, et je vous garantis