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France et l’Angleterre avaient le droit d’attendre du roi Frédéric-Guillaume. Elles n’allaient pas au-delà des devoirs qu’imposaient à la Prusse la bonne foi, la logique, sa propre consistance, le soin de son honneur, le respect d’elle-même; en un mot, on ne lui demandait pas d’être française ni anglaise, on lui demandait d’être ce qu’elle doit être : une grande puissance.

Le gouvernement prussien, nous regrettons de le dire, dans les phases de sa politique qui ont suivi celles que nous avons exposées, n’a pas justifié la patiente confiance que l’Occident avait en lui. L’écart de sa politique l’a conduit à se séparer de la conférence de Vienne au moment où il refusa de soumettre à la conférence la réponse de la cour de Pétersbourg à la sommation autrichienne. Plus tard, on l’a vu s’aider des résistances des cours secondaires d’Allemagne pour susciter des obstacles à l’exécution du traité du 20 avril et entamer avec l’Autriche une vive polémique au sein de la confédération. Parmi les informations que nous avons l’assemblées, celles dont nous avons fait part jusqu’à présent à nos lecteurs suffisent pour donner la clé de ces déviations de la politique prussienne. Les autres nous permettraient d’expliquer en détail les incidens divers dont l’Europe attend la conclusion; mais, nous le répétons, nous n’irons pas plus loin aujourd’hui. La diète de Francfort est prochainement appelée à se prononcer sur les fermes demandes de l’Autriche; les chambres prussiennes se réunissent en ce moment, elles seront bientôt en mesure de voir par elles-mêmes si le gouvernement de Berlin a rempli les espérances qu’il leur avait données dans leur dernière session. Par l’Allemagne et par les organes constitutionnels de la Prusse, le cabinet de Berlin va être mis en demeure de prendre un parti tranché. Espérons que sa décision sera conforme au génie de la Prusse et à la mémoire du grand Frédéric. Nous venons de retracer deux périodes de la politique prussienne; si la seconde est défavorable aux idées et aux intérêts de l’Occident, nous avons vu la première se terminer heureusement par le rejet de la neutralité proposée par la Russie. Nous nous en tenons à cet encourageant présage du début. Nous désirerions finir comme nous avons commencé et rencontrer, au terme des deux périodes qui nous restent à raconter, la Prusse unie à l’Autriche comme au moment où ces deux puissances repoussaient les propositions du comte Orlof et du baron de Budberg. Nous ne voulons donc point désespérer, et nous attendons.


V. DE MARS.