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vues sur la possibilité d’une solution dont les privilèges accordés par la Porte aux rayas serait la base. Quelques heures après l’arrivée du général Lindheim à Pétersbourg, et au moment où on venait d’y apprendre la mission du général Hess à Berlin pour travailler à un traité entre la Prusse et l’Autriche, l’empereur Nicolas dépêcha vers le roi de Prusse le duc George de Mecklembourg-Strélitz. Ce prince apporta l’assurance que l’empereur était prêt à céder sur la question religieuse et comptait sur son beau-frère pour l’aider à sortir honorablement des difficultés où il était engagé. Cette mission n’était évidemment qu’une manœuvre : on voulait caresser les illusions du roi et l’empêcher de conclure une alliance offensive avec l’Autriche. Le duc de Mecklembourg était arrivé à Berlin le 1er avril, et fut bientôt suivi du général Lindheim, qui revint avec les mêmes protestations pacifiques et un projet d’arrangement. Le 6, M. de Manteuffel écrivit à Pétersbourg que, pour seconder les tentatives de médiation de la Prusse, il fallait que la Russie s’abstînt de faire des progrès au-delà du Danube, et donnât des garanties pour la prompte évacuation des principautés. Le roi appuya cette dépêche par une lettre particulière à M. de Rochow. On dit qu’il s’y plaignait que l’empereur de Russie, par l’entrée de ses troupes en Bulgarie, lui rendit chaque jour plus difficile sa tâche de pacificateur, et qu’il s’excusait en même temps d’avoir consenti à la signature du protocole du 9 avril, en alléguant la nécessité de rester au sein de la conférence afin d’y défendre les idées pacifiques, dont il ne cesserait de poursuivre la réalisation. La participation de la Prusse à un acte aussi décidément hostile à la Russie que le protocole du 9 avril avait en effet besoin d’excuse aux yeux du cabinet de Pétersbourg. M. de Budberg, à Berlin, s’en était montré fort irrité. « C’est une infamie, disait-il, d’avoir signé un pareil acte pendant qu’on acceptait d’un autre côté le rôle de médiateur. » La tête pleine de ses projets de transaction, le roi affectait néanmoins la plus grande confiance. «La guerre n’aura pas lieu, disait-il; je répondrais sur ma tête que, si l’on me laisse faire, tout sera arrangé avant qu’un coup de canon soit tiré. » Cette sérénité explique la signature de la convention du 20 avril : le roi attendait de la Russie l’évacuation spontanée des principautés, tandis que la convention faisait de l’occupation indéfinie un cas de guerre. Le duc George de Mecklembourg employa cependant les plus grands efforts pour empêcher la signature du traité austro-prussien. Il apostropha durement à ce sujet M. de Manteuffel en présence du roi, qui fut obligé de l’arrêter. Le duc de Mecklembourg demandait que l’on ajournât jusqu’à ce qu’on eût reçu de Pétersbourg la réponse aux dépêches prussiennes du 6 avril