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lieu sans conditions ; il ne voulait pas, disait-il avec une susceptibilité légitime chez un souverain, se laisser lier les mains. « Le gouvernement, déclara donc M. de Manteuffel, ne veut pas laisser de doute sur la façon dont il envisagera votre vote. Il regardera un vote conditionnel comme un refus (bravo ! cria la droite), car il considère comme de la plus haute importance, dans les circonstances actuelles, qu’on lui accorde immédiatement les moyens qu’il demande. Le but serait manqué, s’il avait les mains liées dans un moment où avant tout il importe de les avoir libres. Le gouvernement, ne peut pas s’enchaîner pour l’avenir, parce qu’il regarderait cela comme préjudiciable au pays. Ayez confiance dans le gouvernement et croyez qu’il fera du crédit son véritable usage. » Cette déclaration répondait d’avance au projet de l’opposition, qui, trouvant que ce qui se passait depuis un mois à la cour n’était guère de nature à mériter au gouvernement la confiance du pays, voulait faire voter les considérans du rapport en même temps que l’emprunt et comme condition du consentement de la chambre. Il n’y aurait eu dans cette dispute qu’une puérile chicane de mots, si en effet il eût été permis de croire à la fermeté et à la résolution du gouvernement prussien. La commission concluait au vote de l’emprunt : voter purement et simplement ses conclusions, c’était en réalité voter par le fait même les motifs sur lesquels elles étaient fondées. La prétention du gouvernement, de ne contracter aucun engagement et d’écarter du vote à ce titre les considérans du rapport de la commission était encore moins logique. Qu’était-ce que le vote qu’il demandait à la chambre ? Un vote de confiance. Quels étaient ses titres à cette confiance ? Les déclarations des ministres au sein de la commission. Or le gouvernement pouvait-il soutenir que ces déclarations, confirmées par le discours même de M. de Manteuffel et sanctionnées par le protocole qu’il venait de signer, n’étaient pas des engagemens qui le liaient vis-à-vis des chambres prussiennes de même que le protocole du 9 avril le liait vis-à-vis des puissances maritimes et de l’Autriche. L’opposition eût dû se borner à démontrer l’absurdité et l’impossibilité d’une prétention pareille, et faire du vote pur et simple le verdict d’une majorité écrasante pour le parti de la croix ; mais l’opposition fut mauvaise tacticienne. Sa proposition fut rejetée par 182 voix contre 131, — faible majorité si l’on considère les efforts des ministres et du roi lui-même pour recruter des voix, et l’annonce du protocole du 9 avril, qui enlevait à l’opposition la principale raison de ses défiances. Du reste la séance fut bonne. Elle dura sept heures. Les récentes fluctuations du cabinet y furent sévèrement appréciées. Les orateurs les plus remarquables furent M. de Wincke et M. Bethmann-Hollweg. M. de Wincke parla avec une grande verve. Un