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la position du prince héréditaire et de la princesse de Prusse. Le prince et la princesse surtout sont connus pour leurs tendances opposées à l’influence russe : leurs sympathies, conformes aux anciennes traditions de la politique prussienne, les inclinent vers l’Angleterre; il a même été souvent question d’un projet d’alliance qui unirait le fils aîné du prince de Prusse, destiné à porter un jour la couronne, à la fille aînée de la reine Victoria. La presse anglaise est allée plus loin : elle a souvent fait allusion à un certain éloignement qui existerait entre la princesse de Prusse et une auguste personne, éloignement dont les effets seraient sensibles dans les mouvemens politiques de la cour. C’est à cette cause que l’on a attribué le séjour ordinaire du prince et de la princesse loin de la cour, dans le gouvernement des provinces rhénanes, dont le prince est investi. On s’est également permis de supposer que les tendances anglaises, ou, pour mieux dire dans la circonstance dont nous nous occupons, les tendances occidentales du prince et de la princesse de Prusse avaient pu, par une sorte de représailles, valoir à la Russie, auprès du roi, le concours d’une influence bien intime et bien puissante, influence elle-même excitée et secondée par tous les partisans de la Russie qui peuplent la cour. Un sujet aussi délicat appartient peut-être aux mémoires de l’avenir, mais il n’est pas du domaine où peuvent s’étendre les hypothèses de l’histoire contemporaine, et la presse anglaise s’arroge ici d’indiscrètes prérogatives qui ne sont point de notre goût. Revenons aux faits publics. Naturellement les progrès que les amis du prince de Prusse faisaient depuis quelque temps vers le pouvoir, l’alliance de M. de Manteuffel avec M. Bethmann-Hollweg, les missions confidentielles de M. de Pourtalès à Londres, sa présence à côté du président du conseil dans le ministère des affaires étrangères, les opinions franchement anti-russes du ministre de la guerre, le général de Bonin, la vive correspondance du ministre prussien à Londres, M. de Bunsen, contre la Russie, le séjour prolongé à Berlin d’un diplomate distingué, M. d’Usedom, dont le roi aimait l’entretien et qui soutenait également la politique occidentale, tout cela devait froisser, effrayer, éperonner les amis de la Russie dans l’entourage du roi, et il faut convenir que les répugnances, les défiances, les scrupules et les terreurs de Frédéric-Guillaume IV au sujet de la convention venaient leur prêter une grande force et leur fournir une rare occasion de ressaisir leur ascendant.

Ce fut malheureusement sur le terrain de la convention que les partisans de l’alliance occidentale voulurent se mesurer avec les amis de la Russie. Tout en la regrettant, puisqu’elle leur a été funeste, nous comprenons leur impatience. Hommes sérieux, jaloux de conserver à la Prusse son rang en Europe, ils rêvaient pour leur