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sujets, qu’il venait de se porter garant des pensées généreuses de Napoléon.

Pendant le séjour de Joseph à Malaga, il y reçut les décrets impériaux du 8 février 1810, qui bouleversaient toute l’organisation militaire et administrative donnée par l’empereur lui-même à la Péninsule dans le cours de l’année précédente. Le commandement en chef de l’armée était retiré au roi, qui ne conservait que celui du corps destiné à couvrir Madrid; toutes les provinces contiguës aux frontières de France, avec les provinces du nord et du centre, étaient érigées en grands gouvernemens, complètement soustraits à l’autorité du roi d’Espagne. Les généraux français gouverneurs réunirent tous les pouvoirs civils et militaires, et des auditeurs au conseil d’état durent y exercer sous leurs ordres les principales fonctions administratives. Quoique l’Andalousie ne fût pas comprise au nombre des gouvernemens créés par ces décrets, l’administration en fut confiée, avec les mêmes pouvoirs et la même indépendance, au maréchal Soult, qui commandait dans cette grande province l’armée alors occupée au siège de Cadix. L’autorité militaire et politique du roi se trouva donc restreinte dans les limites de la Nouvelle-Castille, et jamais titre royal plus dérisoire ne fut porté par une plus déplorable victime du système impérial.

La pensée de Napoléon perçait de plus en plus. Il se proposait en effet de prononcer bientôt la réunion pure et simple à l’empire de toutes les provinces situées au-delà de l’Èbre, laissant entrevoir en même temps, quoique d’une manière confuse, l’intention de donner au roi son frère quelque compensation du côté du Portugal, qu’il se réservait de diviser selon les convenances de sa politique. En attendant que les succès de nos armes permissent d’exécuter ces hardis projets, Joseph recevait l’injonction formelle de ne plus parler désormais de la constitution de Bayonne, dont les dispositions fondamentales garantissaient l’intégrité de la monarchie catholique.

Les obstacles qui s’accumulaient de toutes parts, bien loin d’ouvrir les yeux de l’empereur sur les dangers de son entreprise, le poussaient donc à des projets plus téméraires. Il avait spontanément garanti l’existence politique de l’Espagne en y envoyant régner son frère, et lorsqu’une consécration plus solennelle encore de cette indépendance devenait la seule base possible d’une pacification non moins importante pour l’empire que pour la Péninsule, Napoléon la refusait à l’Espagne et à son frère ! Il aurait respecté cette monarchie soumise et sans défense, et il se préparait à la partager lorsqu’elle avait armé cinq cent mille hommes pour protéger son existence !

Joseph n’avait qu’une conduite à tenir après les décrets de 1810; il fallait en réclamer le rappel immédiat, ou adresser