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rétablissement du roi, et Fox et ses amis furent contraints, en loyaux sujets de se féliciter d’une convalescence qui leur ôtait tout espoir.

Dans une chronique parlementaire, dans une biographie de Fox il faudrait parler des motions pour les catholiques, pour les dissidens, et contre la traite des noirs, du procès de Hastings, qui vengea de la compagnie des Indes; mais nous n’écrivons pas l’histoire, et nous touchons à 1789. On a vu que, parmi les reproches adressés par Fox au ministère, il y avait celui de se montrer trop peu inquiet de l’ascendant de la France. Suivant la formule du temps, on effrayait la jalousie nationale de la domination de la maison de Bourbon. Oui, c’est cette crainte du grand Chatham que l’on exprimait encore la veille de la prise de la Bastille, alors que l’arbre destiné à fournir le bois de l’échafaud du 21 janvier était déjà coupé; mais tout à coup le grand drame commence, et Fox écrit le 30 juillet 1789, au général Fitzpatrick qui se rendait à Paris, billet suivant :


« Cher Dick, je n’ai pas été étonné d’apprendre que vous projetiez d’aller à Paris, mais je le suis beaucoup que vous ayez différé votre départ. Si vous partez, vous feriez mieux de prendre par ici, je serais heureux de causer avec vous, et il ne serait pas impossible que je fusse du voyage. Combien ceci est le plus grand événement qui soit jamais arrivé dans le monde! Et combien c’est le meilleur ! Si vous parlez sans me voir, dites, je vous prie, pour moi, quelque chose de civil au duc d’Orléans, dont la conduite paraît avoir été parfaite, et dites-lui, ainsi qu’à Lauzun, que toutes mes préventions contre les liens de ce pays avec la France touchent à leur un, et en effet la plus grande partie de mon système de politique européenne sera changé, si cette révolution a les conséquences que j’en attends. À vous.

« C. J. FOX. »


Ici commence une ère nouvelle pour Fox et pour le monde. Les Mémoires publiés s’arrêtent au début de cette seconde partie de sa vie politique, et ne donnent que quelques lettres écrites pendant les premières années de la révolution au jeune lord Holland, qui voyageait alors sur le continent. Elles ne sont pas ce que les deux volumes contiennent de moins précieux, et elles font pour nous un grand honneur à l’homme illustre qui les a écrites dans l’abandon de l’intimité; mais pour en tirer parti il nous faudrait entrer dans le récit des événemens de 1790 à l’année de la mort de Fox (1806), et nous attendrons que la fin de l’ouvrage, qui doit embrasser ces seize années, soit donnée au public.

Ce qu’on vient de lire suffit, ce me semble, pour justifier les réflexions par lesquelles nous avons commencé. Assurément ces vingt