une indulgence dont il espérait abuser. C’en était assez pour que le gouvernement partageât et entretînt à son égard la sévérité paternelle. En 1788, le roi devint fou. Il paraît que vingt-trois ans auparavant il avait éprouvé une première atteinte, restée fort secrète, de la même maladie. Cette fois, le mal se prolongea trop pour ne pas devenir public. Le parlement était absent. Il y eut une lacune dans l’exercice de l’autorité royale, un vide dans le gouvernement. Il est évident qu’en pareille occurrence l’héritier présomptif, s’il est majeur, est naturellement appelé à la régence. Il n’est pas moins certain que cette promotion ne peut avoir lieu sans l’aveu du parlement, et que, par le caractère même du fait qui réclame leur intervention, les deux chambres doivent agir de leur autorité propre, et faire à elles seules acte de souveraineté.
Quand elles furent réunies, Pitt était si fort opposé au prince de Galles, et Fox si impatient de le voir régent, que l’un alla jusqu’à lui contester tout droit en principe, et à pousser ainsi le parlement à une sorte d’usurpation, — que l’autre disputa sur l’intervention du parlement et soutint que le prince était régent de plein droit. Le ministre tendait à exagérer le pouvoir parlementaire, l’orateur de l’opposition à outrer le principe de l’hérédité monarchique. C’est dans une de ces discussions où la passion entraîna les deux rivaux si loin des principes naturels de leur position, qu’un jour où Fox s’animait en faveur des droits de naissance du prince de Galles, on entendit Pitt s’écrier : « Je déwhiguerai le gentleman pour le reste de sa vie. » La vérité était entre ces deux opinions extrêmes, et il y fallut bien revenir de part et d’autre. Le prince, bien conseillé par Fox, par Burke, par Sheridan, se conduisit avec assez de mesure et de fermeté. Le ministère fut, après de longs délais, obligé de proposer un bill pour lui déférer la régence, mais sans lui accorder la plénitude de l’autorité royale, et en soumettant son pouvoir à des restrictions qui auraient, pour un temps du moins, modifié en Angleterre les conditions de la monarchie. Le prince, en protestant contre l’esprit de la mesure, dit qu’il accepterait par dévouement. Il semblait donc toucher au pouvoir, et pendant quelques jours. Fox se regarda comme assuré de reprendre la direction des affaires. Le prince et le cabinet étaient en effet incompatibles, et une révolution de palais et de chambre paraissait imminente, quand tout à coup on annonça la guérison du roi. Pitt, qui avait eu le courage de prolonger cet intérim de gouvernement, et par là même de s’investir d’une sorte de dictature, qui avait séquestré le père de ses enfans, et mis la famille royale à la merci de la chambre des communes, ne se montra pas sans doute fort exigeant sur les conditions du