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pays et la liberté. La nouvelle alliance ne pouvait être dictée qui par les ressentimens et les impatiences de l’orgueil et de l’ambition, et dans un temps où l’empire de l’opinion publique était encore trop imparfaitement établi pour servir de seconde conscience aux hommes d’état.

La paix était impopulaire. Pouvait-elle ne pas l’être, conclue dans la situation humiliée où la fortune avait placé la Grande-Bretagne ? Quand les préliminaires en furent communiqués au parlement, l’opposition, qui savait la difficulté presque insurmontable d’obtenir des conditions meilleures, fit rendre par la chambre des communes un vote de désapprobation, et le ministère se retira.

Le but était atteint; le roi était vaincu; mais on avait eu recours à des moyens extrêmes. L’association forcée du roi et d’un cabinet de coalition ne devait être qu’une guerre intestine. Il eût fallu toutes les ressources de l’habileté, de la prudence, de l’adresse pour faire sortir de tels antécédens un bon et durable gouvernement. « Si en voulant empêcher que le roi soit son propre ministre, disait lord North à Fox, vous entendez que le cabinet ne sera pas un gouvernement par départemens, je suis d’accord avec vous. C’est un mauvais système. Il doit y avoir un homme ou un cabinet pour gouverner l’ensemble et diriger chaque mesure. Je n’avais pas introduit le gouvernement par départemens, je l’ai trouvé établi, et la vigueur et la résolution m’ont manqué pour y mettre un terme. » La nouvelle administration n’avait pas cet homme qui dût tout conduire. Le duc de Portland n’était qu’un chef éclairé, un grand seigneur digne de respect. North, fourvoyé dans un cabinet où dominait l’esprit de l’opposition qui l’avait renversé, ne pouvait figurer en première ligne. Son caractère ni son talent ne l’y portaient, et c’était à lui maintenant que George III en voulait le plus. Fox enfin, l’homme principal de la combinaison, plus suspect et plus odieux que désagréable au roi, atteint dans sa considération personnelle par les irrégularités de sa vie, dans sa considération politique par ses dernières manœuvres parlementaires, n’avait pas cet art de ménager les hommes ou ce don de leur commander, cette universalité d’expérience, d’aptitude et d’activité nécessaire pour suffire à tous les besoins d’une administration faible de composition, entourée de puissans ennemis. Pitt avait été sur le point d’en empêcher la formation. S’il l’eût voulu, le roi, plutôt que d’accepter les fers de la coalition, lui aurait livré le pouvoir; mais Pitt n’avait pas jugé le moment encore venu, et plutôt que de rester en substitut de lord Shelburne, il aimait mieux rentrer en maître. Et cependant Fox rêvait encore leur réunion dans le cabinet. Il la regardait comme le meilleur moyen de fonder une administration permanente, seule capable de