désespoir qu’engendrent les mécomptes, et à nous suggérer cette impartialité sans indifférence qui admet tous les faits, mais qui les juge et nous permet d’assister, comme un chœur de tragédie, aux combats de la scène en chantant la justice et la vérité.
On sait ce que les Anglais entendent souvent par des mémoires ; ce sont plutôt des mémoires sur que des mémoires de. Ce sont des lettres, des papiers, des notes écrites à la suite d’une conversation, des fragmens d’un journal tenu par un confident ou un témoin. Tout cela est relié et complété par des extraits de récits contemporains ou des éclaircissemens que prend aux sources un éditeur attentif et bienveillant. Cette fois, cet éditeur devait être lord Holland, le neveu de Fox, l’héritier de ses nobles idées et de ses qualités excellentes, celui dont nous avons tous connu et goûté l’affable hospitalité et le charmant entretien ; mais lord Holland, qui voulait écrire une vie de Fox, n’en a jamais trouvé le temps, grâce aux affaires, grâce à l’amour des lettres, à la goutte et à cette paresse qui accompagne presque toujours le goût et le talent de la conversation. Il n’a pu même recueillir toutes les pièces d’une collection telle que celle qui nous est livrée aujourd’hui. Après l’avoir commencée, préparée, il l’a laissé à terminer à M. Allen, son ami, connu par d’excellens articles historiques dans l’ancienne Revue d’Edimbourg. Enfin, par la mort et la dernière volonté de lady Holland, la tâche est échue à lord John Russell, qui, dans l’intervalle de deux ministères, nous a donné les deux volumes que nous avons sous les yeux. D’après ce que nous venons de dire, il n’y faut pas chercher un ouvrage régulier ; nulle composition, point d’ensemble ; il y a des écrits de toutes mains, réunis par des transitions dues à trois éditeurs successifs. Chaque chose néanmoins est soigneusement rapportée à son auteur ; avec un peu d’attention, on sait en lisant à qui l’on a affaire. Nous ne répondrions pas que pour un lecteur tout à fait étranger à l’histoire politique de cette époque, l’ouvrage fût ni bien clair ni fort attrayant ; mais pour peu que l’on soit au courant, ce recueil est rempli de documens précieux, de détails caractéristiques et de ces petites choses peu connues qui font pénétrer dans l’intimité des affaires. On s’y forme une idée plus nette de certaines situations et de certains actes jusqu’ici livrés à la sagacité conjecturale des historiens, et les réflexions sages, fermes, lumineuses de lord John, écrites à la distance des événemens par un homme d’état ami de la cause plus que des personnes, engagé dans leurs principes, non dans leurs actions, par conséquent éclairé, bienveillant et libre, préparent, si même elles ne le dictent d’avance, le jugement de la postérité. À mesure que le temps marche, il est remarquable combien se rapprochent dans l’appréciation d’un même passé les bons esprits venus des points les