des gouvernemens. Elle sait, en Europe, que le cabinet de Pétersbourg a fait essuyer au clergé catholique, dans les provinces qu’il a envahies, des persécutions bien autrement graves que ne le serait l’enlèvement de quelques vases sacrés, et que ces violences ont été ensuite audacieusement niées à la face de l’Europe. La chancellerie russe a de tout temps joui d’une assez mauvaise réputation sous le rapport de la véracité. Ce n’est donc pas assez d’affirmer, il faut des preuves. Voilà ce qui manque à la réponse de M. Tegoborski. On a beau réitérer les déclarations, soit officieuses, soit officielles; ne communnique pas qui veut aux faits le caractère d’authenticité. L’authenticité résulte d’un ensemble de garanties dont une publicité fibre est la première et la plus essentielle. Tant que vous écrirez du fond de votre despotisme, vous serez toujours suspect. »
M. de Tegoborski n’évalue qu’à 57 millions de francs pour l’année 1854 la diminution que devront éprouver les revenus de l’état. C’est là une hypothèse très optimiste ; mais le cabinet russe ne diffère point en ceci des cabinets de l’Occident. Ses illusions en matière de budget sont les mêmes ; il ne voit clair, comme eux, qu’à la lueur de la foudre, et il faut que les événemens se chargent de le détromper.
Suivant M. de Tegoborski, les recettes du trésor, qui étaient de 651 millions de francs en 1839, ont atteint en 1853 le chiffre de 897 millions. Un accroissement de 36 pour 100 en quatorze ans dans les revenus de l’état, en le supposant avéré, prouverait qu’en Russie comme ailleurs l’ère de la paix a favorisé le développement de la richesse. Il faudrait en conclure aussi que la guerre a déjà changé ou va bientôt changer cet état de choses, car la guerre consomme et ne produit pas.
Mais ce chiffre énorme, inattendu, incroyable de 897 millions n’a-t-il pas l’air d’être mis en avant pour le besoin de la cause ? C’est la première fois que le gouvernement russe se décide à faire connaître le revenu de l’état. Cependant, si le trésor moscovite a de pareilles rentrées, quand il a voulu emprunter à l’étranger, il eût été dans l’intérêt de son crédit d’en avertir les prêteurs; l’emprunt ne pouvait pas avoir un meilleur prospectus. Sa réserve de cette époque s’explique mal en présence de l’abandon, sans doute calculé, auquel il se livre aujourd’hui.
La franchise, après tout, n’est qu’apparente. On accuse en bloc un revenu de 900 millions de francs. Est-ce le revenu brut ou le revenu net ? On a laissé ce point important dans l’ombre. De quelles sources encore proviennent les recettes que l’on fait sonner si haut ? Quels sont les élémens du revenu public ? M. de Tegoborski n’en dit rien : il nous donne un chiffre global qui peut être échafaudé sur des nuages, quand il faudrait nous donner un budget.
Je vois bien ce qui arrête l’organe du gouvernement russe! S’il mettait sous les yeux du public les élémens du revenu, il faudrait nécessairement produire le budget des dépenses, et c’est là un secret que le cabinet de