derrière lui les Romains étonnés de sa vigueur. Il se sauva, mais peuplade et son armée furent presque anéanties. Alléchés par l’immense butin tombé en leur possession, les soldats romains demandèrent à grands cris de marcher plus loin, et Priscus, répondant à leur désir, envoya un détachement d’hommes déterminés sonder les bois sous la conduite du tribun Alexandre. Ces hommes découvrirent un bivac de Slaves non loin de leur route, ils voulurent l’atteindre ; mais, ayant affaire à des chemins brisés et croisés de vingt façons, ils s’égarèrent et allèrent se perdre dans un marais, où ils seraient restés sans l’assistance d’un Gépide qui se trouvait là. Ce Gépide était un ancien chrétien, longtemps serf ou esclave des Avars, qui, ennuyé de sa dure servitude, l’avait secouée un beau jour et s’était donné la liberté des bois. Depuis ce temps, il vivait parmi les tribus slaves, errant de village en village, connaissant tous les chefs, et il s’était fait païen pour exciter plus de confiance et de sympathie. Il paraît pourtant que, à l’aspect des drapeaux d’un peuple chrétien, le renégat sentit son cœur ému, et que le remords l’amena vers les Romains, qui l’accueillirent comme transfuge. Le Gépide, retirant Alexandre du mauvais pas où celui-ci s’était engagé, le conduisit par un chemin parfaitement sec jusqu’au bivac, et lui indiqua les moyens de cerner les Slaves, qui furent tous pris comme dans un piège et attachés ensuite avec des cordes ou des chaînes. Alexandre voulut les interroger lui-même, pour savoir ce qu’ils faisaient là et de quelle nation ils étaient, mais tous refusèrent de répondre. Il les fit frapper avec des fouets et n’en obtint pas davantage ; seulement, quand leurs chairs étaient entamées par les coups et que le sang ruisselait sur tout leur corps, les malheureux disaient : « Tuez-nous ! » Force fut donc au tribun Alexandre de se fier au seul Gépide pour tous les renseignemens dont il avait besoin. Celui-ci exposa que ces Slaves étaient des soldats d’un roi voisin appelé Musok ou Mousoki, lequel, ayant appris la défaite du roi Ardagaste et le sac de son camp, les avait envoyés pour observer le mouvement de l’armée romaine. « Si l’on marchait sur-le-champ, en surmontant quelques difficultés, ajouta le Gépide, on pourrait surprendre Musok dans sa ville, dont il ne bougera pas qu’il n’ait reçu les informations de ses éclaireurs. Il y a bien une large et profonde rivière à passer pour y arriver, mais je me fais fort de procurer le passage aux Romains par les soins de Musok lui-même. » Ainsi parla le Gépide. Alexandre accepta son offre, et pour que rien ne transpirât de son expédition, il fit, avant de partir, égorger tous ses prisonniers.
Le grand village, résidence du roi Musok, était situé à quarante lieues de là ; le Gépide fit diligence pour y arriver ; Alexandre et son détachement, composé de trois mille hommes, le suivirent à distance, et Priscus, qui approuva tout, se mit aussi en route pour appuyer