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les provinciaux pannoniens qui formaient la population de la ville, et les soldats gépides qui la gardaient, s’entendirent pour ouvrir leurs portes aux troupes romaines, et Sirmium rentra sous les lois de l’empire. Or Baïan n’avait rien de plus à cœur que de reprendre sa ville, comme il disait, et d’en chasser les Romains, qui la lui avaient enlevée injustement. Il essaya de s’en emparer par surprise, mais il fut repoussé dans un combat où le duc Bonus, qui commandait la place, reçut une blessure après avoir vigoureusement battu l’armée assiégeante. Suivant son habitude quand il avait le dessous, Baïan décampa, et on le croyait déjà loin, lorsqu’un des habitans, placé en vedette dans une sorte d’observatoire qui dominait les bains publics, aperçut des cavaliers qui s’avançaient à toute bride dans la campagne. L’alerte fut donnée, la garnison prit les armes ; mais on reconnut bientôt à leurs signaux que c’étaient des parlementaires qui venaient conférer avec le commandant. Bonus voulait se rendre à la conférence, malgré sa blessure qui le retenait au lit ; son médecin, nommé Théodore, s’y opposa nettement, et ce furent des officiers et quelques citoyens notables qui se rendirent auprès des parlementaires, en dehors des portes. Le kha-kan, disaient ceux-ci, se tenait à quelque distance de là, et ils devaient servir d’intermédiaires entre le commandant et lui. Ne voyant pas le duc Bonus arriver, ils demandèrent ce qu’il était devenu, et comme on n’osa pas leur dire qu’il était blessé, de peur d’enfler leur confiance, ils soupçonnèrent davantage, ils le crurent mort ; appuyant avec d’autant plus de vivacité sur la nécessité de sa présence, ils protestèrent qu’ils n’avaient mission de traiter qu’avec lui.

La situation devenait difficile. Théodore, qui était citoyen de Sirmium, où il occupait un rang distingué, après avoir mûrement réfléchi, pensa qu’il pouvait garantir la vie de Bonus sans compromettre la sûreté de sa patrie : il appliqua un baume puissant sur la blessure, la banda fortement, et fit placer le général à cheval. Les Avars en l’apercevant se trouvèrent passablement désappointés. La conférence commença. Les Huns exposèrent leur prétention sur la propriété de Sirmium, et demandèrent en outre l’extradition d’un chef gépide appelé Ousdibade, celui-là même probablement qui venait de livrer la ville aux Romains. Leurs raisons se résumaient ainsi : Tout Gépide nous appartient comme esclave, de même que toute ose possédée par les Gépides nous appartient en propriété. » Ils s’exhalèrent ensuite en plaintes sur l’injustice de l’empereur envers de si bons amis, qui ne désiraient que deux choses : vivre en paix et le servir. Bonus déclina toute espèce d’examen de leurs propositions ; il était chargé, disait-il, de défendre Sirmium et nullement de faire un traité ; toutefois il consentirait volontiers à faire