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empruntés à la nature vivante. L’industrie et l’agriculture auront toujours besoin des bêtes de somme pour les transports à courte distance. Le télégraphe électrique a beau casser l’aile à nos pigeons voyageurs, ce sera longtemps encore un art ingénieux que celui qui consiste à réunir les distances par le vol de ces messagers. Le progrès de la mécanique et l’amélioration des races peuvent d’ailleurs marcher de front. L’Angleterre, tout en créant son peuple de machines, n’a point négligé d’accroître les forces et la valeur de ses animaux domestiques ; elle a compris au contraire, cette grande nation, que du concours des deux forces devait sortir le développement de la puissance économique des sociétés.

En résumé, on l’a vu, les animaux domestiques sont les ouvrages de l’homme et les monuments de son histoire. La plupart des espèces les plus communes et les plus répandues dans nos contrées sont originaires du centre de l’Asie ; elles remontent, comme nos langues, nos premiers instruments de travail agricole et nos arts utiles, au berceau de la civilisation. La guerre ayant été dans le passé le lien des races et l’agent des communications à distance, l’introduction de la plupart des sujets du règne domestique dans nos climats a été le fait des expéditions militaires. Les historiens, qui aiment à trouver des compensations dans le mal et une sorte d’utilité dans les fléaux, peuvent partir de ces conquêtes solides, profitables et précieuses, pour absoudre ce que les autres conquêtes ont de violent et de factice. Il ne faut pourtant pas jouer avec ces antithèses et ces contradictions morales. Le mal n’est point nécessaire à l’accomplissement du bien. L’empire de l’homme sur les animaux peut désormais s’établir sans le concours du sabre. Aujourd’hui que les voyages, l’industrie, la science, la vapeur, tendent à nouer entre les diverses régions du globe des rapports pacifiques, nos victoires sur la nature doivent se passer du levier de la force. Les jardins zoologiques, ces établissements nés d’hier, sont appelés, si les directeurs comprennent leur mission, à organiser l’action de l’homme vis-à-vis des animaux, à constituer l’échelle graduée des températures, et à enrichir ainsi notre régime alimentaire de toutes les espèces exotiques dont nos climats sont déshérités.

Un fait n’est point assez présent à l’esprit des naturalistes, c’est que la plupart des objets de consommation qui entrent dans le mouvement des sociétés modernes, le sucre, la pomme de terre, le riz, le café, sont d’origine exotique et d’introduction plus ou moins récente. L’alimentation de l’homme s’est pour ainsi dire renouvelée depuis deux ou trois siècles ; mais les végétaux seuls ont fait les frais de cette révolution économique. Le règne animal, si riche pourtant,