Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

services que le meilleur cheval ne peut procurer. Au Jardin des Plantes de Paris, des dromadaires ont été longtemps attelés au manège du puits, et l’on s’est assuré qu’un seul dromadaire équivalait pour l’ouvrage à deux forts chevaux. Moins de nourriture et plus de travail, ce serait là un profit tout clair pour la constitution économique des sociétés.

Le lama est le chameau du Nouveau-Monde. Quoique faible et lent, il ne nous semble point à dédaigner comme bête de somme dans les pays pauvres et montagneux, où l’âne, le cheval et le mulet lui-même ont de la peine à se maintenir. L’accession de cet animal serait pour certains départements de la France, notamment pour celui des Hautes-Alpes, une bonne fortune. Originaire des montagnes les plus élevées du globe, le lama a le pas très sûr ; il descend, lourdement chargé, des ravins très dangereux, et se fraie entre les rochers, sur le bord même des précipices, une route où souvent l’homme renonce à l’accompagner. Le lama ne réclame presque aucun soin ; il n’a presque pas besoin d’être abrité contre les injures de l’air ; il trouve lui-même et partout ses moyens de subsistance. Le lama conviendrait comme bête de somme à quelques localités, mais il conviendrait à toutes comme animal de boucherie, car sa chair est estimée ; sa laine, filée et préparée, donne des étoffes de prix. Le lama n’est d’ailleurs point comparable sous ce rapport à l’alpaca, dont le poil est aussi fin que le poil des chèvres de Cachemire et beaucoup plus long. La fabrication et la vente des tissus auxquels cette toison a servi de matière ont longtemps constitué une des rares branches d’industrie et de commerce de l’Amérique du Sud. Introduits tout récemment dans quelques contrées de l’Europe, ces animaux ont déjà réussi à vivre sur plusieurs points et à se reproduire. Il n’y a guère de jardins zoologiques où, avec un peu de soins, on n’ait obtenu des naissances de lama et même d’alpaca. La race des lamas est déjà presque acclimatée en Hollande. Que ces essais continuent, et avant un demi-siècle ces animaux du Nouveau- Monde pourront être regardés comme faisant partie de notre règne économique. Leur conquête, aujourd’hui assurée en principe, ne fera certes oublier ni le cheval, ni l’âne, ni le mulet, ni le mouton, mais elle introduira un élément de plus dans l’agriculture et dans l’industrie.

Enrichir par des auxiliaires nouveaux le système actuel du mouvement, ce serait ajouter au bien-être et à la force productive des sociétés. Quelques naturalistes anglais ont pensé que, malgré leur caractère vicieux et obstiné, le daw et le zèbre n’étaient point incapables d’éducation ; ils soutiennent même que, cultivés, leurs défauts deviendraient les germes de qualités précieuses pour l’homme, telles