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ainsi dire, l’échelle du développement des anciennes races domestiques.

Le règne animal est pour l’observateur un cours de géographie vivante, car le génie des différents climats se personnifie dans les différents membres de la grande famille zoologique. Nous pouvons ajouter que, si à côté des espèces sauvages, on prenait le soin d’exposer les espèces domestiques, le règne animal deviendrait un cours d’histoire universelle. Reportons-nous aux origines de la civilisation. La nature n’avait émis que des forces, des éléments de production, des ébauches de choses : l’homme a créé le travail ; non-seulement il l’a créé dans sa race, mais encore ce travail, générateur de toutes les richesses positives, il l’a formé lentement et péniblement chez les autres espèces vivantes. Ces êtres organisés, doués comme lui d’instincts et de besoins, il les appelle au secours de l’économie naissante ; ces brutes, il les élève à la dignité d’êtres utiles. Dans la lutte ouverte entre la force productive et la parcimonie de la nature, l’homme développe des moyens successifs et gradués. À mesure qu’il perfectionne l’état social, il se réfléchit avec ses lumières et ses progrès sur le règne animal, dont il augmente chaque jour les services. Auteur des bienfaits de la domesticité, il se nourrit de son propre labeur dans le labeur des bêtes de somme ; dans les organes et les mouvements de ses muets auxiliaires, il met de sa pensée, de sa volonté, de son courage ; l’homme crée ainsi un à un les instruments animés de l’industrie. Il y a là, nous le répétons, toute une histoire économique dont les monuments ne doivent point être cherchés dans les livres ni dans les traditions effacées des peuples : ces monuments, une administration intelligente pourrait les mettre sous les yeux du spectateur ; ce sont en effet les animaux domestiques, pris à différents degrés sur l’échelle de la civilisation du globe.

Sortons des généralités et abordons le terrain pratique de la question. Prenons pour exemple l’espèce domestique la plus connue, celle qui ajoute, sur toute la terre, des sens et des organes aux sens et aux organes de l’homme ; prenons la race canine. Il ne suffit pas de montrer dans le chacal la souche probable de notre chien, il faudrait montrer par une série de spécimens les degrés que le chacal a parcourus avant d’arriver aux formes, aux instincts et aux fonctions du chien d’Europe. Une ménagerie philosophique, si l’on me permet cette expression, rétablirait la chaîne des progrès accomplis par l’animal domestique, en exposant d’abord le chien le moins modifié par l’homme. Ce chien est celui de la Nouvelle-Hollande. Tout près de l’état sauvage, cet animal à oreilles droites a sous son poil soyeux une sorte de poil laineux ou de duvet qui est comme la robe naturelle de sa race, et que nos chiens domestiques ont entièrement perdue ; il n’aboie pas,