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Comme d’ordinaire, ce fut le corps de l’ancienne chevalerie de Lorraine qui se fit auprès du souverain l’interprète des sentimens de populations. Les principaux de la noblesse, parmi lesquels les chroniques locales citent le marquis de Beauvau, les comtes de Salm et des Armoises, s’adressèrent à Charles III, dans un langage que leurs services passés autorisaient, et dont la déférence n’excluait pas un certain accent de mâle liberté. Les conventions, représenta le marquis de Beauvau, étaient des chaînes respectables qui liaient les souverains comme les autres hommes, et toute la puissance de Charles ne pouvait le dispenser de remplir à la lettre les engagemens contractés avec les créanciers. Réduire les intérêts de leurs contrats, ce serait évidemment abuser de leur bonne foi et détruire toute confiance entre le prince et les particuliers.... la prochaine assemblée des assises ne consentirait jamais à un règlement semblable.... » Il finit en disant que, « comme il était sûr de n’être pas désavoué par les anciens chevaliers, il offrait, en leur nom, de remettre dans les coffres du duc tout l’argent qui pouvait lui revenir de cette réduction, et qu’il allait se cotiser pour donner l’exemple aux autres. Touché de cette intervention, qui faisait pressentir une résistance plus formelle encore, le roi remercia les chevaliers et les assura qu’il pouvait avant peu, avec de l’ordre et de l’économie, trouver moyen d’acquitter ses dettes sans les faire payer à son peuple, et ce qui vaut mieux encore, il tint sa promesse. »

Que malgré ses précédens, si honorables en fait de crédit public, la Lorraine ait eu dans la suite de grandes charges à supporter par les apprêts des guerres que projetait son prince et les rudes précautions que faisait peser sur elle la défiance du gouvernement français, nous le croyons sans peine; mais nulle part nous ne voyons que l’administration intérieure du duché en soit devenue plus tyrannique. Cela tenait non pas seulement à l’esprit de la maison régnante, mais à la puissance des garanties locales, des formes établies et respectées.

Sous ce rapport, en rendant pleine justice aux scrupuleuses recherches, au savoir pénétrant de l’historien, nous avons un doute, à lui soumettre sur une partie de son travail et l’emploi de son érudition dans un point si important. Pourquoi faire des anciennes institutions du duché de Lorraine, de l’action régulière de ses trois ordres, des attributions permanentes de son tribunal des assises, l’objet d’une note en appendice, au lieu d’en résumer l’esprit et d’en marquer partout l’influence dans le texte du récit ? De nos jours, nous abusons des notes, des longues citations de pièces officielles, de tous ces matériaux indigestes de l’histoire. Nous les jetons en bloc au lecteur, qui les étudie rarement. Quant à l’auteur, il ne saurait