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avait le cœur haut et l’esprit fin. Son courage était sans égal; il recherchait les hasards, paraissait s’y complaire, et sa gaieté n’était jamais si grande que dans le danger. »

Tous ces traits, et d’autres encore qu’on pourrait recueillir, saillans et bien contrastés par eux-mêmes, ne suffisent pas pour recommander un personnage, si les actions manquent, si le caractère se dément, s’il y a disproportion même entre les facultés apparentes et les résultats. On revient alors, pour qualifier et juger Charles IV, aux deux épithètes que lui donne M. Cousin dans un de ses piquans articles sur les carnets de Mazarin ; on l’appelle l’incertain et aventureux Charles IV, et on le juge un antagoniste trop faible, un esprit trop versatile et trop léger pour nous intéresser longtemps à ses levées d’armes et à ses fuites, à ses tentations d’audace et à ses impuissances devant les hommes d’état qu’il avait en tête. En histoire, les portraits ont besoin d’être soutenus par le récit. Tout ce que Voltaire décrit si bien de la personne de Charles XII et de ce corps de fer gouverné par une âme inébranlable attacherait peu le lecteur, si on ne voyait vite à l’appui le passage de la Dwina, la victoire de Narva, l’invasion de la Saxe, et même, dans le détrônement du roi Auguste, ces éclairs de génie politique mêlés aux prodiges de hardiesse militaire et frappant la Russie au point vulnérable de sa grandeur, au lieu d’aller, comme plus tard, à Pultawa, se perdre dans ses déserts glacés, et se briser contre la discipline et l’artillerie de ses masses barbares.

Ce sont là de grandes inégalités de conduite et de destinée; mais il y avait dans Charles XÏI un homme enfin, dont le courage et l’esprit d’entreprise élevèrent un moment la Suède bien haut. Charles IV au contraire non-seulement ne fit rien, et probablement ne pouvait rien pour agrandir la Lorraine : il ne fit rien pour sa propre gloire. Tous ses projets manquèrent, toutes ses velléités avortèrent. Il lutta sans grandeur et tomba sans bruit. Le nouvel historien ne s’y trompe pas sans doute. « L’à-propos, dit-il, manquait complètement à Charles IV, et jamais prince ne comprit moins son rôle entre les maisons de France et d’Autriche, qui reprenaient le cours un moment interrompu de leurs vieilles rivalités. La Lorraine avait surtout besoin alors d’un souverain pacifique, modéré et prudent, satisfait de garder dans la querelle une attitude conciliante et modeste. « Charles ne l’entendit jamais ainsi. Amoureux de la guerre, il souhaitait beaucoup plus qu’il ne redoutait un conflit, d’où il espérait tirer à la fois renommée et puissance. Les exploits d’un Walstein, les lauriers d’un Gustave-Adolphe lui agréaient mieux que la paisible sagesse d’un Charles III. »

Mais c’était précisément cette supériorité d’un Walstein qui