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donne une idée bien exclusive et bien pauvre du feu et de la splendeur de son pinceau. M. Meissonnier a également exposé deux sujets : l’un d’eux, le Bibliomane, sans être un de ses beaux succès, reflète au moins son admirable talent; mais son autre tableau, qui est un portrait à mi-corps de grandeur naturelle et qu’il intitule Charlemagne, s’éloigne de tout point de ses bons ouvrages, sous le rapport des qualités comme sous celui de la taille, et n’est qu’une production très banale.

A tout prendre et malgré le plaisir que nous avons eu à renouer connaissance avec d’anciens amis, l’ensemble de cette exposition est un miroir trop infidèle de l’école française pour qu’elle ait pu nous satisfaire. En admettant même que dans vingt pieds carrés il eût été possible d’entasser une représentation suffisante de tout l’art d’une époque, quel temps et quelle supériorité de jugement n’eût-il pas fallu pour choisir ces spécimens ! Tel que le choix a été fait, il ne peut suggérer qu’un jugement vague et partiel, par conséquent trompeur. Là où l’art a pris comme en France un large développement, nul ne saurait l’apprécier sans avoir vu ses œuvres dans les églises et les palais, sur les monumens et dans les places publiques du pays.

Si l’exposition française est de nature à égarer la curiosité du public et à désappointer le connaisseur mieux instruit, on reçoit une impression encore moins favorable en visitant les quelques tableaux allemands modernes qui sont réunis dans une maison voisine. Pas un seul nom de marque ne parait au catalogue, et dans la collection même il n’est pas une page qui rappelle, de si loin que ce soit, le style des écoles germaniques tel que tous les rapports nous le représentent. Cette collection se réduit à une centaine de peintures de dimensions médiocres, consistant en paysages et en sujets de genre. Quelques-uns des premiers sont bons; on n’en peut dire autant des seconds, qui, à peu d’exceptions près, sont faibles et en plus d’un cas positivement mauvais. Quant aux grandes tentatives du pinceau allemand, dont la renommée s’associe depuis longtemps aux noms de Cornélius et d’Overbeck, un seul tableau historique s’y rattache quelque peu : c’est une œuvre due à M. Bewer, et qui représente la mort de Louis IX de France. Composée correctement, bien dessinée, proprement peinte, on pourrait la croire sortie d’un de ces inépuisables ateliers où le roi Louis-Philippe entretenait sa fabrique de tableaux pour Versailles. Elle est ce que sont les neuf dixièmes de ce musée célèbre : une toile couverte de lieux communs spirituels exécutés avec habileté.

A l’égard des deux collections de tableaux anciens que nous avons