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tout ce qui donne à une œuvre le caractère et la valeur d’un objet plastique. Ce sont là, nous le craignons, des paroles peu précises, et elles peuvent paraître étranges, tant il est d’usage de représenter la peinture et la sculpture comme de purs arts d’imitation. Qu’une statue et qu’un tableau soient vrais, c’est à peu près tout ce que le public a été accoutumé à demander; quand de tels ouvrages lui ont causé la même sensation que la réalité eût pu produire sur ses yeux, il se tient pour satisfait. Et cependant c’est en dehors de l’imitation et au-delà du vrai que s’étend la partie plastique de l’art, celle à laquelle nous faisions allusion, et qui n’est guère reconnue en dehors des ateliers. Quoiqu’elle soit la source de toutes les qualités qui font vivre les œuvres destinées à l’immortalité, le monde en général ne lui attribue pas une telle importance, et tout plaidoyer en sa faveur court risque d’être taxé de solennel enfantillage ou d’oiseuse gravité.

Le fait est que ces matières sont en elles-mêmes difficiles à manier. Les émotions causées par les arts plastiques aussi bien que par la musique, les formes et les couleurs qui charment l’œil, ou les sons qui séduisent l’oreille, toutes ces mystérieuses influences, avec leurs rhythmes et leurs combinaisons, souffrent mal qu’on les définisse par des mots. Il faut prendre beaucoup de peine pour n’y réussir qu’imparfaitement, et en se fatiguant soi-même on fatigue les lecteurs. La gravité en effet a lieu de sembler déplacée, quand il s’agit de choses où la majorité des hommes ne cherche que ses distractions du dimanche. De là vient que l’écrivain est tenté de laisser là ces matières rétives pour jeter sur le papier ce qui se présente au courant de la plume et ce qui a chance de plaire. Peut-être cela explique-t-il comment tant de critiques d’art, évidemment intéressantes pour le public, sont loin de satisfaire autant les artistes.

Aux yeux de quelques-uns, l’art toutefois est plus qu’un passe-temps. S’il représente seulement un objet d’étonnement pour l’ignorance, un jouet pour l’homme instruit, il est une science pour ceux qui l’étudient. Nous qui sommes de ce nombre, et qui ne pouvons nous empêcher de le prendre au sérieux, ce sont les impressions d’un artiste que nous essaierons de rendre. En examinant quelques œuvres d’une école moderne, nous voudrions appuyer sur certaines données plastiques qui n’ont pas été assez remarquées, sur certains aperçus sans lesquels il nous semble impossible de porter des jugemens tant soit peu justes en matière d’art. Ajouter un grain au trésor de la vérité, c’est tout ce que nous désirons.

La forte impulsion donnée à l’art anglais par la commission royale des beaux-arts, qui fut créée, il y a environ dix ans, pour la décoration des nouvelles salles du parlement, continue toujours à se faire sentir, bien que les résultats attendus n’aient pas été complétement