Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condamnation sérieuse. C’est l’opinion d’un grand nombre d’hommes instruits; c’est celle, j’ose le dire, de la grande majorité de la nation : le 26 juillet a violé la constitution et porté atteinte aux droits les plus sacrés du Danemark, droits reconnus par le roi lui-même, non pas une fois, mais deux fois, et solennellement. » Pour trancher nettement la question, il n’y avait qu’un seul moyen : il fallait que la cour suprême vidât ce procès entre le ministère et les chambres. Les chambres ne voulaient pas, elles ne devaient pas attendre, parce que l’arbitraire s’affermit en durant et s’étaie peu à peu de quelques droits particuliers qu’il acquiert et groupe autour de soi, et parce qu’il est immoral et dangereux de laisser à toute une nation la conscience que le régime qui lui est imposé repose uniquement sur une violation de la loi. Une fois la nation convaincue qu’on aurait violé d’en haut le droit et la loi, serait-il facile de l’empêcher d’entrer elle-même dans la voie que le gouvernement aurait été le premier à choisir, dans la voie de l’illégalité ?

On voit bien maintenant quel est précisément l’objet du débat et quel est le malentendu auquel nous avons fait allusion. Les chambres danoises ne demandent plus l’extension de la constitution libérale du 5 juin 1849 aux autres parties de la monarchie danoise : c’était leur première espérance, au moins pour ce qui concerne le Slesvig; mais la publication du 28 janvier 1852 les a forcées d’y renoncer. Elles se bornent à demander, elles réclament expressément le-respect des promesses de 1849, qui garantissaient à toute la monarchie des institutions libérales, en même temps que l’inviolabilité de la constitution du 5 juin. Elles soutiennent que les promesses libérales sont violées aussi bien que la constitution par l’acte du 26 juillet, parce que la constitution commune proclamée par cet acte ne peut effacer ni restreindre, à leur avis, la constitution de 1849 tant qu’elle n’a pas été consentie par la représentation nationale, parce que le sénat ou conseil institué par cet acte du 26 juillet n’offre qu’une représentation tout à fait insuffisante des différens états de la monarchie, parce que ce sénat, faiblement organisé, laisse le pouvoir à un conseil de ministres en partie irresponsable, parce qu’enfin voici les duchés retombés sous les institutions absolutistes, dont l’influence paraît dangereuse pour le Danemark lui-même. Pour ce qui regarde particulièrement la violation de la foi fondamentale, les chambres, outre les argumens tirés de l’interprétation des textes officiels, rappellent que quelques jours après la publication du 28 janvier 1852, dans une séance du 13 février, M. Bluhme, le ministre des affaires étrangères, est venu déclarer expressément que le gouvernement se croyait engagé à respecter le paragraphe 100 de la constitution du 5 juin 1849, c’est-à-dire à ne modifier cette constitution qu’avec le concours des chambres. L’acte du 26 juillet, en modifiant les rapports entre le royaume de Danemark et les duchés, entre la constitution qu’il laissait à l’une des parties de la monarchie et les institutions nouvelles imposées aux duchés, avait au contraire modifié la loi fondamentale sans le consentement de la représentation. — Voilà en résumé la situation des chambres; elles ont fait des concessions, mais elles croient qu’il ne leur est plus permis d’en faire sans trahir le mandat qui leur a été confié; elles se croient engagées d’honneur à sauvegarder la constitution libérale du royaume de