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ou au moins le Slesvig, terre Scandinave et danoise, partageraient le bienfait de cette constitution ; mais leur espoir fut trompé, grâce à la réaction européenne qui s’était manifestée de 1850 à 1852, et les négociateurs allemands imposèrent au gouvernement danois le double engagement de replacer les deux duchés de Slesvig et de Holstein sous les institutions absolutistes qui les régissaient avant la guerre, et d’unir les parties diverses de la monarchie par une constitution commune. La première de ces deux promesses causa au parti constitutionnel une amère déception ; la seconde lui parut ne pouvoir s’accomplir qu’aux dépens de la constitution de 1849. La publication royale du 28 janvier 1852 proclama la ferme intention d’accomplir les conditions imposées du dehors, et l’acte du 26 juillet 1854 commença de les mettre à exécution. Que devenait la loi fondamentale au milieu de cette tentative d’organisation ? Au lieu de s’étendre aux duchés, elle se trouvait restreinte jusqu’à n’être plus que la charte particulière d’une province de la monarchie ; les chambres du parlement danois devenaient elles-mêmes une simple représentation locale, au même titre que les états de chacun des duchés.

Les députés danois prétendirent qu’un pareil changement ne pouvait pas se faire sans leur consentement, et que la constitution commune ne pouvait être publiée, quelle qu’elle fût, avant d’avoir été discutée par eux, c’est-à-dire qu’ils n’acceptaient pas à l’avance l’humiliation qu’on voulait leur imposer, et que l’acte du 26 juillet 1854 était à leurs yeux un attentat contre la loi fondamentale du Danemark. On se rappelle que pendant la dernière session, terminée le 24 mars 1854, les deux chambres d’un côté, les électeurs de l’autre, adressèrent au roi des protestations contre le cabinet et demandèrent son éloignement ; tout fut inutile. Les élections suivantes ramenèrent cependant une majorité imposante contre le ministère, et lorsque les nouvelles chambres se réunissaient au commencement d’octobre, elles annonçaient dès les premières séances l’intention de résister ouvertement.

Trois voies légales s’offraient à leur choix : l’adresse au roi, la mise en accusation du ministère, le refus de voter l’impôt. Elles pensèrent qu’elles devaient employer concurremment les deux premiers moyens, l’un pour engager une lutte décidée contre le cabinet, l’autre pour expliquer leur conduite et prévenir dans l’esprit du roi toutes les interprétations fâcheuses, car c’est un trait remarquable, dans cette crise constitutionnelle, que le respect inaltérable que les chambres danoises ont sans cesse témoigné envers le roi comme envers la légalité.

L’adresse avait à répondre à un discours du trône qui n’était autre chose qu’un nouveau manifeste de la politique ministérielle. Elle le fit avec fermeté, mais avec beaucoup de modération. Elle déclara que la constitution commune publiée le 26 juillet aurait dû être soumise à l’approbation préalable des chambres, et subsidiairement que la constitution du 5 juin 1849 ne devait être modifiée que conformément à l’article 100 de cette même constitution, c’est-à-dire du consentement des deux chambres. L’acte du 26 juillet avait donc violé ouvertement la loi fondamentale. Du reste la représentation nationale souhaitait contribuer, elle aussi, à l’œuvre difficile de la constitution commune, mais elle exprimait le vœu formel que les duchés ne fussent pas privés actuellement des institutions libérales que le roi lui-même