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des grottes du Parnasse, enfin de plusieurs localités tout à fait particulières. » Aristote semble traiter de petits esprits les auteurs de ces monographies si exceptionnelles ; mais la science moderne réserve son admiration pour ce qui est bien observé, et à côté des Humboldt, des Pallas et des grands navigateurs, elle aime à placer tous ceux qui ont apporté une pierre, fût-elle unique, à l’édifice de la connaissance du monde.

Jusqu’ici, toutes les descriptions de contrées semblent avoir été ou tout à fait consacrées à l’étude des populations, en omettant les particularités physiques du pays qu’elles occupent, ou tout à fait consacrées à la physique, à la géologie, à la météorologie du sol, des eaux et de l’air, sans aucun égard à la population, qui, suivant l’expression d’Homère, trouve une mère nourrice dans la terre. Indépendamment de l’importance des productions de chaque localité, le seul moyen de jeter quelque intérêt dramatique sur les descriptions physiques, c’est cependant d’y faire intervenir l’espèce humaine. Lorsqu’en descendant le cours de la Seine, on arrive près de Villequier, en face d’une vallée profonde d’où s’élança la rafale subite, le pampero qui fut si fatal à la famille d’un des premiers poètes de notre époque, doit-on s’interdire de rappeler les effets désastreux de ces aspirations aériennes et les nombreux accidens qui en ont été la suite ? À ce point de vue, l’ouvrage tout récent et déjà très célèbre de l’amiral Smyth sur la Méditerranée, ouvrage qu’il conviendra d’examiner prochainement ici, semble un modèle admirable à suivre. À chaque particularité de la nature, l’amiral Smyth rattache un fait historique intéressant qui se trouve ainsi mieux connu ou mieux compris. Sur cette mer et autour de cette mer, berceau du monde civilisé, l’histoire nous montre depuis trois mille ans l’homme favorisé ou contrarié par les grands phénomènes physiques, et tantôt triomphant, tantôt victime, toujours témoin intéressé de la lutte des élémens. C’est comme une voix qui crie aux indifférens ces paroles sévères : Posteri, posteri, vestra res agitur ! c’est-à-dire : « Apprenez par l’expérience du passé à vous garantir des in convenions de l’avenir. »

Il n’est peut-être aucune localité dans le monde qui offre des phénomènes si divers et si imposans que les alentours de la petite ville de Quillebœuf, située au point où le lit de la Seine s’élargit en véritable bras de mer, dans une contrée où la nature et l’homme semblent avoir déployé ou rencontré tout ce qu’il y a de plus accidenté dans le sol, — les eaux, les marais, les promontoires, les cultures et les monumens. Cette ville de quatorze cents âmes n’est en quelque sorte qu’un accessoire propre à désigner la portion inférieure du bassin de la Seine au point où dominent tantôt l’Océan fougueux,