de toute sa noblesse de Flandres, de Bourgogne et d’Artois. Louis n’avait pas oublié le grand amour que les Rémois avaient porté à Philippe de Bourgogne ; il en voyait les preuves dans la réception cordiale qu’ils faisaient à ce duc, et il avait pris les plus minutieuses précautions afin de cacher cet enthousiasme, ou au moins afin d’en diminuer la portée en le faisant passer pour un devoir imposé par lui à la ville de Reims. Toutefois il avait compris qu’il fallait surtout desserrer ces vieux liens d’amitié en se rendant populaire, et il avait promis l’abolition des impôts.
Le roi et le duc partis, on cueillit les impôts comme à l’ordinaire. Les bourgeois se plaignirent à haute voix, et le peuple murmura sourdement. Un mois environ après le sacre, les gens des petits métiers s’assemblèrent, s’armèrent de toute sorte de traits, d’arbalètes, de hallebardes et autres basions de défense, coururent sus aux collecteurs des aides, les pourchassèrent, pillèrent leurs maisons, brûlèrent leurs registres, et, dit une chronique, en pendirent quelques-uns qui avaient oublié la science de bien fuir. C’était dans de tels accidens que la diplomatie bourgeoise brillait de tout son éclat. Elle commença par mettre la main sur quelques-uns des séditieux les plus mal renommés et dont il serait utile de se défaire en tout état de cause, puis elle attendit ; mais Louis XI n’était pas homme à commencer son règne sous de tels auspices, et on apprit bientôt que Mgr Joachim Rouault, maréchal de France, nommé commissaire du roi en cette partie, se dirigeait vers la Champagne, fort escorté de gens de guerre. La bourgeoisie s’empressa d’envoyer cinq des plus habiles et des plus honorables habitans pour remontrer qu’elle n’avait point pris part à une si damnable sédition, et que les plus compromis des rebelles se trouvaient déjà entre les mains de la justice : le commissaire les accueillit froidement et continua sa route. Pendant quelques jours, on vit entrer dans la bonne ville une foule de marchands, manouvriers, laboureurs, portant figures étrangères et inconnues. Joachim Rouault arriva à son tour avec une petite troupe ; tous ces étranges marchands se changèrent en autant de soldats, et Reims se trouva directement sous l’autorité du roi. Après avoir fait saisir environ deux cents des plus coupables et terrifié les bourgeois en annonçant qu’il allait s’enquérir des complices, Joachim Rouault se contenta de punir une centaine des mutins, parmi lesquels six furent écartelés, décapités ou pendus ; les autres furent fustigés, essorillés, emprisonnés ou bannis. La bourgeoisie put apprendre deux choses dans cet événement, qu’on appela le micmaque de Reims : la première, c’est qu’elle venait de rencontrer un roi qui se servait plus habilement qu’elle de la politique bourgeoise ; le second enseignement, le bailly de Vermandois le lui donna à son de trompe, quand il publia que « un grand nombre de gens mécaniques, sous umbre et couleur de fraternité, alliances et confédérations, tenaient des assemblées et congrégations particulières en dehors de toute juridiction, dans lesquelles assemblées ils statuaient entr’eux des édicts et ordonnances, et levaient sur eux des deniers mis en boîtes et en trésors communs. » C’était ainsi que la royauté protégeait les bourgeois contre eux-mêmes, et que, tout en se défendant, elle défendait forcément les lois de la justice, l’avenir de la patrie et de la société.
Cependant la sévérité du roi n’avait pas touché directement les bourgeois. Quelques années de tranquillité leur firent oublier les ennuis où les avait