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imparfaitement par une nature ignorante et grossière. Le protestantisme doit être compris par l’esprit et la pensée, et n’a aucun de ces symboles, de ces images qui pour les natures grossières sont autant de moyens d’initiation religieuse. Ceux qui ont lu attentivement la Bible auront pu, entre autres grands enseignemens, y apprendre comment il faut parler à des populations charnelles et aux instincts idolâtres. « Que ceci soit comme un signe dans votre main et un monument devant vos yeux ! » répète fréquemment Moïse à ses Hébreux, lorsqu’il veut les convaincre de l’importance d’une grande vérité ou de la nécessité de certaines pratiques. Le protestantisme n’a aucune de ces ressources ; aussi tous les mendians de M. Vanderkiste sont-ils d’une ignorance religieuse qui fait frémir.

Les plus religieux, bien que l’auteur ne veuille pas l’avouer, et qu’il gronde sourdement contre les doctrines de la grande Babylone, sont encore les pauvres Irlandais catholiques. Au milieu de ses déclamations inutiles, M. Vanderkiste fait à leur égard une observation judicieuse. « Je remarquerai, dit-il, que la population catholique romaine, quoique aussi ignorante, au fond, de sa religion que la population protestante, aussi négligente dans la pratique de son culte, est cependant extrêmement bigote. » Cette observation pourrait s’appliquer à bien d’autres populations que celle des mendians irlandais, mais elle prouve qu’ils tiennent d’âme et de cœur à leur religion, soit qu’ils la pratiquent ou non. Cet amour se traduit parfois sous les formes les plus violentes, il se complique de la haine de race qui anime les Irlandais contre l’Angleterre. Un jour le missionnaire visite le taudis d’un Irlandais. « En entrant je lui dis : Monsieur Callaghan, je suppose que vous pouvez deviner facilement qui je suis ? Il me répondit en souriant : Oui, monsieur, et me présenta un siège. Nous causâmes très agréablement pendant quelques minutes. Il me raconta qu’il allait à la chapelle catholique romaine et me parla des prêtres qui y célébraient le culte. Il ajouta : Je présume que vous êtes venu demander pour l’entretien de la chapelle ? Je lui assurai que je n’étais pas venu pour recevoir, mais pour communiquer la connaissance du saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. — Mais, je vous prie, de quelle religion êtes-vous ? me demanda-t-il. Je le lui dis, et aussitôt après cette révélation un grand changement s’opéra dans sa conduite. Il entra dans une colère furieuse et devint livide de rage. Ce fut en vain que j’essayai de lui démontrer combien il était convenable de discuter avec calme et douceur les sujets de religion. Les insultes qu’il déversa sur moi et ma religion étaient d’un caractère réellement horrible. Il se leva, ouvrit la porte, et déclara que si je ne sortais pas à l’instant, il me ferait descendre les escaliers à coups de pied. » Une autre fois, le prédicateur harangue une multitude