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dans des privations bien faites pour lui enlever l’énergie physique. Parvenue à sa dix-huitième année en 1830, les tourmens de la divine passion finirent par faire comme irruption dans la jeune fille qui les avait médités si longtemps. D’horribles convulsions, des angoisses de mille sortes la plongèrent tout à coup dans un état voisin de la mort. La souffrance à laquelle elle condamnait tous les jours sa chair amaigrie, la douleur morale dont elle abreuvait son âme desséchée par le contre-coup de l’épreuve physique, se donnaient en quelque sorte la main. Alors, après avoir cent fois fait craindre pour sa vie, Maria de Moerl tomba par intervalles dans un état d’extase dont les crises, d’abord fort courtes, se rapprochèrent par degrés. La réception de l’eucharistie la plongeait dans un tel ravissement et absorbait à un tel degré ses facultés souffrantes, que tout lui devenait alors indifférent : elle demeurait immobile et abîmée dans une contemplation qui se prolongea une fois jusqu’à vingt-six heures. Depuis lors, la vie du monde sembla se retirer tout à fait de Maria. On était au mois d’août 1833; des milliers de pèlerins ne tardèrent pas à venir visiter l’Addolorata, qui demeurait indifférente en présence de ce nombreux concours : elle ne voulait plus avoir de rapports avec ce monde que par l’intermédiaire de son confesseur, dans l’obéissance absolue duquel elle s’était placée. Enfin l’année suivante, en 1834, cette longue méditation de la passion porta ses fruits, et l’on découvrit sur ses membres les stigmates dont elle avait été marquée. Chaque vendredi, le sang coula des blessures, et le vendredi-saint, ainsi que le jour de la fête des stigmates de saint François, les plaies saignèrent avec plus d’abondance que jamais. Le phénomène avait atteint son plus haut degré d’intensité, et les voyageurs qui la visitèrent depuis ce temps la trouvèrent dans un état cataleptique qui en faisait à peine une créature vivante. Son corps était couvert de mille plaies qu’on regardait comme autant de stigmates; son œil était immobile, ses mains restaient crispées sur sa poitrine, ses doigts étaient serrés les uns contre les autres, son corps était incliné en avant dans une posture qu’une autre personne aurait pu à peine garder quelques minutes. C’est ainsi que s’exprime un voyageur allemand, M. E. de Hartwig, auquel on doit d’intéressantes lettres sur le Tyrol. Quant à sa nourriture, elle était juste ce qu’il fallait pour soutenir cette frêle enveloppe : quelques grains de raisin, du jus de fruit et un peu de mie de pain lui suffisaient comme aliment pendant plusieurs jours.

Maria-Domenica Lazzari et Crescentia Nieklutsch présentent à des degrés divers et avec un caractère moins prononcé quelques-uns des phénomènes de l’extatique de Kaltern. Chez la première, tout indique une perversion complète dans l’économie et un trouble profond