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le mérite de la rédemption en transformant le sacrifice sanglant du Calvaire en une pure apparence et en un spectacle sans réalité ; la seconde aboutissait à l’absurde conséquence du suicide de Dieu même. En vain le concile de Chalcédoine, avec l’autorité de la tradition et la saine interprétation des Écritures, formula la doctrine orthodoxe des deux natures en une seule personne ; en vain l’église romaine adopta les décisions du concile comme la voix du christianisme lui-même : l’esprit grec n’abandonnait pas aisément la dispute. Les hérésies de Nestorius et d’Eutychès donnèrent naissance à d’autres hérésies moins absolues, que chacun put pondérer à sa guise et qui n’eurent de limites que l’infini. Il naquit aussi, dans une intention plus honnête que celle d’être chef de secte, des hérésies de conciliation, si l’on peut ainsi parler, lesquelles cherchèrent à mettre des contre-poids dans les dogmes, et combinèrent les erreurs pour en tirer une vérité qui ne blessât personne. Ces dernières tentatives ne firent qu’obscurcir la question, altérer le sens religieux, et jeter en Orient la foi chrétienne dans un dédale inextricable.

Ce fut un des malheurs de l’église orientale d’avoir toujours à compter avec les empereurs non-seulement en matière de discipline, mais aussi pour le règlement des dogmes : legs fatal de la succession du grand Constantin. Les césars de Byzance, patriciens, soldats ou bouviers, se crurent tous tenus d’être théologiens. Il en arriva mal plus d’une fois à eux-mêmes, et surtout à l’empire. On sait combien les formulaires de l’empereur Constance, ses décisions canoniques appuyées par les légions, troublèrent profondément l’église, rendirent confiance et autorité au polythéisme et préparèrent la réaction païenne de Julien ; on sait aussi que la funeste séparation qui se manifesta au sein du christianisme entre les Barbares devenus presque tous ariens et les Romains catholiques, fut due au prosélytisme insensé de Valens : les triomphes de Valens et de Constance empêchèrent, à ce qu’il paraît, l’empereur Zénon de dormir, car il eut la prétention de terminer par un décret impérial la controverse des deux natures. Ce décret, qu’il publia en 482, sous le titre d’hénotique, c’est-à-dire d’acte d’union, laissa l’église plus divisée que jamais. L’hénotique présentait une formule de foi que les évêques devaient souscrire, et l’empereur, pour montrer son impartialité comme juge et sa supériorité comme théologien, y condamnait tout le monde, lançant l’anathème à droite et à gauche sur les décisions présentées avant lui, et mettant le concile de Chalcédoine à peu près au niveau d’Eutychès et de Nestorius. Tout le monde étant condamné, naturellement personne ne fut content ; les évêques résistèrent, et l’épée des soldats fut employée à les convaincre. Zénon mourut sur ces entrefaites, heureusement pour la paix du monde. Sa fin fut