drions pas entrer dans l’examen de ce document. Il faut bien dire cependant qu’en tout cela il y a eu véritablement peu d’héroïsme de la part des hommes qui ont conquis le pouvoir par une révolution à Madrid. Que la reine Christine ait été sauvée le 28 août, cela se peut. A-t-on pour cela le droit de l’accuser d’avoir oublié ce service ? Ceux qui l’accusent n’avaient-ils pas oublié eux-mêmes de bien autres services rendus à l’Espagne par l’ancienne régente ? Il y a un autre point qui serait à signaler dans le manifeste de la mère d’Isabelle II. Oui, la reine Christine a le droit de rappeler que ces dix années qui viennent de s’écouler ont été des années heureuses pour l’Espagne. Elles lui ont donné la paix ; elles lui avaient donné des institutions administratives qu’il eût suffi d’améliorer, au lieu de les détruire, comme on l’a fait légèrement. Les adversaires de cette politique modérée qui a régné dix ans sont aujourd’hui au pouvoir. Ils peuvent donc à leur tour réaliser tous les bienfaits qu’ils promettent. Nous le souhaitons, mais nous ne le croyons pas. Ce qui est certain, c’est que la première conséquence de cette révolution a été de produire l’état actuel, de jeter l’Espagne dans une crise dont elle ne se relèvera pas de si tôt.
C’est surtout en présence des lacunes que les révolutions viennent créer parfois dans la vie intérieure d’un pays, qu’on aime à interroger cette vie idéale qu’entretient la littérature, et qui n’est souvent que le commentaire ou le reflet des réalités publiques. N’eût-il qu’à s’étudier lui-même dans tout ce qu’il a fait ou ce qu’il a tenté, dans les vœux qui l’ont ému ou les hommes qui l’ont personnifié, notre siècle aurait certes encore un champ immense à explorer. Il y a parfois un intime et indéfinissable attrait dans cette étude quand elle s’applique à quelqu’une de ces existences qui ont passé à travers les agitations de leur temps, et qui ont eu la fortune, ne fût-ce qu’un jour, ne fût-ce qu’une heure, d’intéresser, de passionner les âmes. Souvent même une gloire incomplète ou à demi éclipsée ne sert qu’à rendre cet attrait plus émouvant. Ce que tant d’autres ont fait pour des génies plus puissans de tous les pays, pour des renommées plus universelles, un écrivain piémontais, M. Pietro Giuria, vient de le faire pour un homme éprouvé et modeste dans un livre sur Silvio Pellico et son temps. Tout n’est point dit encore sans doute sur l’auteur de ce livre des Prisons, qui semble inspiré tout entier par l’évangélique esprit de l’Imitation. Le nouveau biographe lui-même aurait pu ajouter plus d’un trait au tableau qu’il retrace pour le laisser moins indécis et pour justifier plus complètement son titre. À travers le récit de M. Giuria et les fragmens inédits qui l’accompagnent, on peut voir cependant se dessiner cette nature souffrante et douce du poète de Saluées, qui mourait, il y a quelques mois, après Berchet, Grossi, Balbo, et après avoir été, lui aussi, une des premières renommées contemporaines de l’Italie.
Silvio Pellico avait écrit des tragédies, des hymnes, des chants qui n’étaient dans sa pensée que des fragmens inachevés d’un grand poème sur l’Italie du moyen âge ; mais il avait surtout l’auréole de dix ans de captivité au Spielberg : douloureuse épreuve qui venait le saisir au seuil de sa jeunesse, au moment où il partageait toutes les espérances d’une rénovation nationale où il avait sa place dans ce groupe d’écrivains italiens de 1820, — les Manzoni, les Berchet, les Romagnosi, les Gioia, les Visconti ! Silvio Pellico était à coup sûr