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tans surtout qu’on peut reconnaître ce qu’il y a de ressort et de vigueur dans ce pays si éprouvé par les révolutions. On en a eu l’exemple depuis un an. La France a été engagée dans une lutte qui peut grandir encore, comme elle peut s’apaiser ; elle a souffert d’une disette qui a réduit bien des populations à vivre des privations les plus cruelles ; elle a vu un fléau terrible désoler certaines de ses provinces : elle a supporté ces épreuves avec virilité, et celle de la guerre ne sert qu’à éveiller sa fierté.

Les révolutionnaires se trompent bien, quand ils imaginent qu’il ne s’agit que de bouleverser ce pays et de lui donner la fièvre pour le rendre plus fort et plus redoutable, comme aussi il ne faudrait point croire que son goût du repos aille jusqu’à ne pas vouloir s’occuper de ses affaires. La vérité est que la France ne se soucie guère au fond d’être ni révolutionnée, ni endormie ; son idéal est toujours dans une activité normale, régulière et libre, et dans cette activité elle a de quoi rendre la guerre glorieuse ou la paix féconde. Des diverses épreuves que la France vient de traverser, l’une subsiste toujours, c’est la guerre. L’épidémie qui régnait depuis un an tend à disparaître, la disette n’est plus à craindre, et le haut prix des grains ne s’est maintenu que par suite de circonstances spéciales, entre lesquelles il faut compter peut-être une saison peu favorable au travail des champs. C’est pour mieux assurer l’alimentation publique que le gouvernement vient de proroger la mesure qui permet la libre entrée des grains étrangers, et il a complété en même temps ses récens décrets en dégrevant des droits d’importation les vins de liqueur en pièces ou en bouteilles. Ces vins, comme tous les autres, ne paieront désormais que 25 centimes par hectolitre à leur entrée. Les récoltes qui se font aujourd’hui ne sont malheureusement pas de nature à démontrer l’inutilité de cette mesure. Ces questions ont leur valeur sans doute ; elles ne représentent pourtant qu’un des aspects de la vie intérieure de la France. Elles disparaissent devant l’intérêt de la guerre, comme elles disparaîtraient devant tout ce qui pourrait signaler le réveil de l’activité intellectuelle.

La politique ofîre d’ailleurs des spectacles qui varient selon les pays. Ici le calme et la vie régulière, là l’agitation et la fermentation de tous les levains révolutionnaires. C’est avec la plus grande peine que l’Espagne marche à travers toutes les complications de la crise nouvelle qui s’est ouverte devant elle. Des désordres qui se propagent et qui ne s’apaisent sur un point que pour renaître sur l’autre, des élections qui s’accomplissent et dont le résultat restera un problème tant que les cortès ne seront pas réunies, une incertitude universelle, des divisions de partis, des menaces de guerre civile, des manifestes de tout genre, telle est l’histoire la plus actuelle de la Péninsule. Les désordres matériels occupent évidemment la première place dans cette histoire, et l’anarchie prend un peu toutes les formes. Récemment encore diverses villes devenaient le théâtre de scènes où éclate cette anarchie. L’esprit de sédition s’emparait à tel point de Malaga, de Jaen, que rien n’était respecté, pas plus les propriétés que les personnes. Sur d’autres points, c’est le choléra qui sert de prétexte. À Burgos, c’est la cherté du pain qui vient de provoquer une émeute, et cette émeute a pris les proportions d’une collision sanglante. Burgos est cependant une des plus paisibles villes du royaume