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il ne leur manquait que le mouvement et la parole. Cette similitude entre ces idoles et les hommes qui les adoraient a excité par-dessus tout la colère des prophètes. Le plus explicite de tous est le prophète Baruch. Dans ces exhortations passionnées qu’il adresse au peuple de Dieu, qu’il veut détourner de l’idolâtrie, il se complaît dans la description la plus insultante de ces dieux des gentils. Où trouverons-nous des renseignemens plus précis et plus curieux sur les arts et la statuaire des Babyloniens que dans quelques passages de Baruch ?

« Vous verrez dans Babylone, dit-il aux Juifs qu’on emmène en esclavage, des dieux d’or et d’argent, de pierre et de bois, que l’on porte sur les épaules et qui se font craindre par les nations.

« La langue de ces idoles a été taillée par le sculpteur. Celles mêmes qui sont couvertes d’or et d’argent n’ont qu’une fausse apparence, et elles ne peuvent point parler.

« Comme on fait des ornemens à une fille qui aime à se parer, ainsi, après avoir fait ces idoles, on les pare avec de l’or.

« Les dieux de ces idolâtres ont des couronnes d’or sur la tête, mais leurs prêtres en retirent l’or et l’argent et s’en servent eux-mêmes.

« Ces dieux ne sauraient se défendre ni de la rouille ni des vers… L’un porte un sceptre comme un homme, comme un gouverneur de province, mais il ne saurait faire mourir celui qui l’offense. L’autre a une épée et une hache à la main, mais il ne peut s’en servir pendant la guerre ni s’en défendre contre les voleurs… Ces dieux de bois, de pierre, d’or et d’argent ne se sauveront point des larrons et des voleurs. »

Outre ces simulacres, dans la composition desquels entraient toutes les matières énumérées par le prophète, les Babyloniens avaient des bas-reliefs analogues à ceux qu’on rencontre dans les monticules ninivites. Des fouilles poussées jusqu’à la base des édifices, c’est-à-dire à 80 pieds au-dessous du niveau du sol actuel, amèneraient peut-être la découverte de fragmens de sculptures de ce genre, mais nous doutons fort qu’on pût retrouver des statues ou d’autres objets de quelque valeur, car le vainqueur, on le sait d’après le témoignage d’Isaïe, ne laissait rien de ce qui pouvait s’emporter.

On sait quel emploi faisaient les Babyloniens des peintures sur émail dans la décoration de leurs palais. Ces peintures étaient accompagnées d’inscriptions en caractères cunéiformes. Sur les fragmens de briques émaillées trouvés au Kasr, les lettres sont en émail blanc sur un fond bleu, et présentent un léger relief. Les personnages et les animaux figurés sur ces émaux étaient, en effet, modelés de façon à offrir une légère saillie, avant qu’on appliquât la couleur. Les briques ainsi modelées et coloriées étaient ensuite présentées à la cuisson, comme nous l’apprend Diodore d’après Ctésias. Ces peintures sur émail n’étaient pas les seules que les Babyloniens fissent entrer dans la décoration de leurs édifices. Quelques passages du fameux xxiiie chapitre d’Ézéchiel, qui surpasse en énergie et en crudité les plus violentes peintures de Juvénal, nous montrent jusqu’à quel degré de réalité, sinon de perfection étaient parvenus les artistes chaldéens dans la représentation de la nature.

« Mais Ooliba a donné dans de bien autres excès, car ayant vu des hommes peints sur la muraille, des images des Chaldéens tracées avec des couleurs.