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apostolique; mais les deux missionnaires qui pour le moment voyageaient, bien malgré eux, aux frais des autorités chinoises, n’étaient pas d’humeur à battre en retraite devant les mandarins, et dans toutes les rencontres ils culbutaient l’ennemi avec une intrépidité sans pareille. Ce système, qui, on doit le dire, ne comportait pas la moindre dose de patience, leur avait trop bien réussi jusqu’à leur arrivée dans la capitale du Sse-tchouen pour qu’ils n’en poursuivissent pas l’application impartiale dans le reste de la province.

Les Chinois voyagent beaucoup; on serait donc tenté de croire que les moyens de locomotion sont chez eux très perfectionnés. Par eau, les trajets s’accomplissent assez à l’aise. Les mandarins et les personnes riches possèdent de bonnes jonques, comfortablement aménagées, qui les transportent sans trop de fatigue d’une province à l’autre, à travers les fleuves, les lacs et les canaux qui coupent, dans le midi surtout, une grande partie du territoire. Cependant beaucoup de canaux sont aujourd’hui si mal entretenus, que la navigation se trouve fréquemment interrompue. Quant aux fleuves et aux lacs, on ne saurait s’y fier par tous les temps : les ouragans ne sont pas rares, et les voyageurs prudens se voient forcés de rester au port. — Dans les provinces septentrionales de l’empire où les voies navigables sont moins nombreuses, il faut souvent franchir par terre de longues distances. Or les palanquins, suspendus sur les épaules de quatre porteurs qui ne marchent pas toujours à pas égaux, sont très fatigans, à plus forte raison les chariots, qui ne sont pas le moins du monde suspendus, où il faut se tenir assis, les jambes croisées, et qui versent très souvent, ce qui expliquerait, suivant M. Huc, l’habileté des Chinois dans l’art si difficile de raccommoder les bras et les jambes. On voyage aussi en brouette, ce qui n’est peut-être pas aussi dangereux, car on verse de moins haut, mais n’est probablement pas plus commode. Enfin on peut aller à cheval, à mulet ou à âne. — Les routes impériales étaient autrefois larges, bien dallées et entretenues avec soin. On retrouve encore, aux abords de quelques grandes villes, des vestiges de leur ancienne magnificence; mais à mesure que l’on s’éloigne des principaux centres de population, ces routes se rétrécissent en minces sentiers et ne conservent d’impérial que le nom. Plus d’arbres, plus de dalles, plus de ponts pour traverser les moindres cours d’eau. Les Chinois font remonter à l’avènement de la dynastie tartare-mantchoue la destruction de leurs voies de communication, qui, sous les vieilles dynasties nationales, avaient été pour les plus illustres souverains l’objet d’une vive sollicitude, et ce n’est pas l’un des moindres griefs qui justifient l’insurrection actuelle.

Le système des hôtelleries ne vaut guère mieux que les routes. Pour les trajets par eau, cela importe peu, attendu que l’on prend