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sait récemment à abaisser les tarifs sur les vins. Le gouvernement vient d’ajouter à cette dernière mesure en dégrevant également jusqu’à un certain point l’introduction des eaux-de-vie étrangères de toute nature. Jusqu’ici, le droit était de 30 fr. par hectolitre sur les eaux-de-vie de vin, de 200 fr. sur les eaux-de-vie de cerises et de riz, de 20 fr. sur les rhums et tafias de nos colonies ; toutes les autres eaux-de-vie étaient frappées d’une prohibition absolue. Le décret récent lève ces prohibitions et admet toutes les eaux-de-vie moyennant un droit uniforme de 15 fr. par hectolitre d’alcool pur. Ainsi se trouvent dégrevés ces objets principaux d’alimentation. L’intérêt des consommateurs est satisfait, autant que cela est possible aujourd’hui. Il n’en peut être de même par malheur de l’intérêt des producteurs, atteints dans leurs ressources les plus essentielles, dans leur travail, dans toute leur industrie. Ce n’est pas de l’abaissement des tarifs qu’ils ont à souffrir, le maintien de droits élevés ne serait point pour eux un remède. La triste gravité de leur situation est dans cette fatalité qui pèse sur leurs récoltes, et qui les laisse en face des mêmes charges sans qu’ils aient les mêmes moyens d’y suffire ; elle est dans un travail sans rémunération, dans la durée possible de cette stérilité de la production vinicole, dans l’extension même de ce fléau, dont on cherche vainement la nature et la cause, à d’autres fruits de la terre. Il y a là certes un fait qui mérite d’être considéré pour la place qu’il prend dans les conditions économiques du pays et pour les perturbations dont il est la source.

Le gouvernement a pourvu pour le moment à l’un des effets les plus désastreux de ces perturbations, en ce qui touche les consommateurs, par les mesures qu’il a récemment décrétées. Le gouvernement s’est occupé aussi, dans un ordre bien différent et tout spécial, d’une réforme dont la pensée est en discussion depuis longtemps : c’est la réforme de la police municipale de Paris, qui va être organisée à peu près sur le modèle de la police de Londres. Comme on voit, ce n’est pas par un caractère particulièrement politique que se distinguent les diverses questions intérieures qui ont aujourd’hui la première place. S’il fallait revenir à la politique, ce serait encore en passant par l’agriculture. Faute d’autres manifestations, l’agriculture n’a-t-elle point en effet ses comices, ses réunions annuelles où la politique se crée bien quelque issue, pour peu qu’il s’y trouve des hommes qui ont passé par les affaires ? M. Dupin a donc publié le discours qu’il n’a pu prononcer devant le comice agricole de Clamecy, par suite du triste état sanitaire de ces contrées. M. Troplong, président du sénat, adressait récemment une allocution à la société d’agriculture du département de l’Eure. Ces documens ont leur intérêt, ne fût-ce qu’en raison des hommes de qui ils émanent. M. Dupin, si l’on s’en souvient, a fait un peu parler de lui il y a quelque temps ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, et ce n’est pas de cela qu’il a parlé. Il a parlé de bien des choses, notamment de la paix et de la guerre, et même, la prose ne suffisant pas, il a mêlé des citations poétiques sur la trompette guerrière, revenant encore une fois sur ce fameux mot qui lui a été faussement attribué : « Chacun chez soi, chacun pour soi ! » et qui était en réalité celui-ci : « Chacun chez soi, chacun son droit ! » À vrai dire, nous ne savons pas si la guerre actuelle peut passer pour une stricte application